Travailler des sols argileux lourds hydromorphes tout en évitant les erreurs techniques suppose une connaissance précise de leurs composants physiques, chimiques, ainsi que de leur vie biologique. « Un moyen simple de s’en approcher consiste à réaliser un profil cultural en parallèle d’analyses du sol et du sous-sol », déclare Joël Moulin, pédologue à la chambre d’agriculture de l’Indre.

Dans ce seul département, les argiles lourdes couvrent quelque 12 000 ha, dont 7 000 ha dans le Boischaut Nord, mais on en retrouve aussi dans l’Indre-et-Loire, la Sarthe et la Mayenne. Elles se caractérisent par un premier horizon d’une vingtaine de centimètres de profondeur, dont le taux d’argile est souvent proche de 35-40 % mélangé à du limon et du sable et une absence de cailloux. La teneur moyenne en matière organique approche 3 %. Toutefois, la principale caractéristique est une teneur en magnésie souvent élevée, de l’ordre de 3 Meq/100 g de terre. La teneur en argile de l’horizon inférieur, dont la profondeur peut atteindre 80 cm, dépasse 50 %, avec là encore une teneur en magnésie élevée (4 à 8 Meq/100 g selon les situations).

Améliorer la structure

Ces argiles smectites grises ont pour particularité de posséder une grande surface d’échange sur laquelle viennent s’agréger les ions magnésium. Cela leur permet aussi de stocker beaucoup d’eau, ce qui explique leur tendance à l’hydromorphie mais également leur réserve utile, qui peut dépasser 200 mm sur 1 m.

« Ces particularités en font des terrains à potentiel correct mais rendent la mise en œuvre du travail du sol particulièrement délicate, avertit Joël Moulin. Compte tenu de leur humidité constante, les argiles lourdes sont très sensibles au tassement. C’est pourquoi les équipements de type pneus basse pression sont à privilégier. Le drainage peut être un remède, à condition que le réseau de drains soit suffisamment dense et placé à faible profondeur (70-80 cm). »

Les argiles lourdes ont aussi la possibilité de se restructurer sous l’effet du climat, notamment de la sécheresse qui facilite l’enracinement. Certaines pratiques comme le décompactage sont en revanche sans intérêt. En terrain humide, il ne fait que lisser les horizons et en terrain sec, les dents déplacent de gros blocs de terre.

« Quand l’agriculteur possède des analyses de sol, il doit regarder le rapport magnésie sur CEC (capacité d’échange cationique), poursuit le pédologue. Si cet indicateur dépasse 10 %, une opération de surchaulage avec des produits de type gypse ou chaux est à prévoir et ce même en présence d’un pH neutre à basique. L’objectif est de remplacer les ions Mg par des ions Ca et ainsi d’améliorer la structure du sol, et donc de réduire sa sensibilité au tassement et assurer un meilleur ressuyage. »