Si les agriculteurs américains espéraient que le prix du soja reste au sommet, ils devraient rapidement déchanter. Depuis plusieurs mois, les Chinois se fournissent surtout auprès de leur partenaire brésilien pour couvrir les besoins de la trituration, sur fond de conflit diplomatique entre la Chine et le gouvernement Trump.
Les opérateurs chinois ont pourtant acheté presque un million de tonnes de soja américain à la mi-septembre, mais ce n’est que conjoncturel. Ces contrats ont été facilités par la levée temporaire des droits de douane imposés aux sojas américains à l’arrivée dans les ports chinois. La Chine a été contrainte de se tourner vers cette origine alors qu’elle souhaitait s’en passer dans le contexte politique actuel.
Elle n’avait, en effet, pas d’autre alternative, car les disponibilités brésiliennes de 2019 s’épuisent. Elle peut recourir aux sojas argentins, mais en raison d’un taux de protéine trop bas, l’Argentine n’est pas capable, à elle seule, de couvrir les besoins chinois du moment. Cette situation a donc entraîné une hausse du prix de la fève à 9 $ le boisseau (331 $ la tonne) le 16 septembre.
Compromis qualitatif ?
Le rebond du prix du soja américain - tout relatif au regard des 10 $ dépassés fin 2017 et début 2018 - ne va pas durer. D’une part, la fièvre porcine limitera, à court terme, les besoins en tourteau et en graine de soja de l’empire du Milieu. D’autre part, avec des surfaces semées en progression, les disponibilités de soja en Amérique du Sud seront élevées dès l’arrivée des nouvelles récoltes, début 2020.
Enfin, la Chine vient d’ouvrir ses ports au tourteau de soja argentin (l’importation était limitée à la graine jusqu’à maintenant). La clôture rapide de ce processus d’autorisation, demandé depuis plusieurs années par les autorités argentines, montre que les Chinois sont prêts à tout pour élargir leurs sources, y compris à des compromis sur la qualité des produits. En conséquence, ils pourraient se passer totalement de l’origine américaine sur l’ensemble de l’année 2020.
Mais le voudront-ils ? Des achats de sojas américains, même irréguliers, sont un gage de bonne volonté des Chinois dans les négociations et, à chaque fois, cela contribue à une légère détente des relations entre les états-Unis et la Chine. Leur absence totale semble donc peu probable. Toutefois, ces achats devraient rester très sporadiques, et les prix du soja demeurer sous pression tant que les négociations entre les états-Unis et l’empire du Milieu ne seront pas terminées.
Hémeline Macret - Tallage/Stratégie Grains