Réduire la pression des adventices sans travail du sol préalable. Tel est l’objectif des essais de semis de colza à la volée avant la moisson, conduits en 2022, 2023 et 2024 dans les Hauts-de-France par Agro-Transfert, en collaboration avec Alpha Semences et la chambre d’agriculture de l’Oise. « Le développement précoce et rapide du colza et du couvert associé favorise la compétition pour la lumière vis-à-vis de la flore », explique Bastien Boquet, ingénieur responsable de projet chez Agro-Transfert et agriculteur dans la Somme.
Le semis à la volée s’effectue au distributeur à engrais avec un mélange fourni par Alpha Semences. Il est constitué de 3 kg/ha de colza (variété KWS Sanchos, qui présente un faible risque d’élongation) et de 3 kg/ha de trèfle d’Alexandrie qui étaient agglomérés sur une graine support, la vesce (10 kg/ha). « Il fallait trouver un moyen d’envoyer le colza sur la totalité de la largeur d’épandage à 30 mètres. Il a donc été enrobé et alourdi avec des plantes compagnes », explique Bastien Boquet.
L’épandage est réalisé un à trois jours avant la moisson de la céréale précédente (entre le 15 et le 30 juillet) et est comparé à un colza témoin semé à la fin d'août ou au début de septembre. « Il faut faire attention à ne pas trop anticiper la date de semis à la volée pour limiter la pression des limaces et des dégâts d’engins sur plantules déjà germées », alerte Bastien Boquet. « Cette technique impose que les pailles soient laissées sur la parcelle », complète Romain Loos, directeur d’Alpha Semences. Ce qui permet de laisser un peu d’humidité résiduelle au sol.
Attention aux années humides
Les résultats montrent que les densités de levées sont toujours inférieures en semis à la volée, avec une moyenne de 15,3 plantes par m², au-dessus du seuil de retournement du colza mais inférieur aux 30 plantes par m² obtenues avec le témoin. Par ailleurs, le peuplement est hétérogène et les levées sont plus étalées qu’avec un semis classique après moisson. « Il faut être patient, cela s’équilibre naturellement », constate le spécialiste.
À l’entrée de l’hiver, la densité d’adventices est plus faible en semis à la volée, avec moins de 10 mauvaises herbes par m² contre 20 dans le témoin en moyenne sur trois ans. L’IFT herbicides moyen ne dépasse pas 0,5 (1,66 pour le témoin). Le seul traitement réalisé a permis de gérer les repousses de céréales. « Cela nécessite des parcelles propres au semis, sans vivaces ou dicotylédones annuelles qui pourraient repiquer après la moisson et avoir une longueur d’avance sur le colza », alerte Bastien Boquet. Il faudra aussi être vigilant à certaines espèces comme le laiteron rude.
En termes économiques, le semis à la volée de colza avant moisson génère moins de produit (–7 % par rapport au témoin, pour un colza à 480 €/t) du fait d’un rendement inférieur de 3 q/ha en moyenne. Mais ce sont aussi des charges en moins (–25 %). Le point fort de la technique est aussi la réduction du temps de travail (–47 % dans les essais, soit 1,8 h/ha contre 3,4).
« C’est une technique prometteuse économe en charges et en temps, confirme Bastien Boquet. Mais attention : elle peut se révéler plus complexe en année humide, avec des dégâts de limaces et une pression après la moisson d’adventices qui n’ont pas forcément besoin de travail du sol pour germer. » Cette pratique n’est pour l’instant pas encore optimisée pour le semis en grandes parcelles (10 ha ou plus). Le réglage du semoir doit être affiné pour une meilleure régularité d’épandage.