Comment définit-on une sécheresse ?
Éric Sauquet : La sécheresse est un phénomène naturel qui se traduit par un déficit en eau. Il existe plusieurs types de sécheresses. Il y a notamment les sécheresses météorologique et hydrologique. Elles sont très différentes et concernent différents compartiments du cycle de l’eau.
Quand on parle de sécheresse météorologique, il s’agit d’un déficit pluviométrique conséquent, plus important que la normale, qui peut se traduire ensuite par une très faible humidité des sols. On parle de sécheresse hydrologique quand le niveau des cours d’eau est très bas, donc quand les étiages sont très marqués.
Qu’est-ce qu’une année hydrologique ?
L’année hydrologique correspond à une séquence de douze mois qui est décalée dans le temps par rapport à l’année civile. En France, elle commence le 1er septembre. À la fin de l’été, toutes les ressources constituées pendant les douze précédents mois ont été vidées.
À cette date tous les compteurs sont remis à zéro et on repart donc sur une nouvelle année. Cette séquence rassemble tous les événements plus ou moins liés du cycle de l’eau. Chaque année hydrologique est indépendante d’une autre.
Comment se déroule l’année hydrologique en cours ?
Cette année hydrologique avait bien commencé. Si on regarde depuis septembre 2019, on a eu un automne et un hiver relativement bien arrosé en France métropolitaine, sans excès de précipitations. Ces dernières ont donc été suffisamment importantes pour recharger et reconstituer les stocks en eau dans les sols et sous les sols.
Cela a globalement permis d’avoir un début d’été relativement paisible, les nappes ont pu contribuer aux écoulements des rivières de manière quasiment normale. On note cependant des situations contrastées d’un territoire à l’autre. Dans des régions, comme Auvergne Rhône-Alpes, les précipitations ont été déficitaires et l’été 2020 a donc démarré dans une situation un peu critique.
À titre de comparaison, l’automne et l’hiver 2018-2019 ont été beaucoup plus critiques, les précipitations ont été moins intenses et la recharge a été moins importante. L’été 2019 avait démarré en étant handicapé par la situation antérieure.
Comment caractérisez-vous la sécheresse de cette année ?
Au 7 août 2020 la situation est bien moins critique que l’année dernière. À titre de comparaison, sur le site Propluvia, qui référence les arrêtés préfectoraux « sécheresse » en cours, nous en dénombrons 78, alors qu’à la même date l’année dernière, il y en avait 85.
On constate bien une sécheresse mais moins intense qu’en 2019 et 2017, tout du moins pour juillet et août. Je n’ai pas la prétention de me projeter en septembre ou octobre 2020, s’il y a très peu de précipitations, comme ce mois de juillet, la situation pourrait se dégrader et nous serons dans le rouge.
Comment mieux partager la ressource ?
C’est une question très large, mais il faut déjà éviter de capter ou de prélever de l’eau de manière irraisonnée. Tous les usages doivent être respectés. L’eau qui coule dans une rivière n’appartient à personne, il s’agit d’un bien commun. Dans certains secteurs, la demande en eau dépasse la capacité de la ressource, surtout quand nous sommes, comme actuellement, avec des niveaux faibles.
Cela crée évidemment des tensions. Les sécheresses des sols, par exemple, incitent à des prélèvements dans les cours d’eau ou les nappes. Ces prélèvements peuvent accentuer une sécheresse naturelle et impacter davantage le milieu. Il faut mettre tous les acteurs autour d’une table pour évoquer tous les besoins et agir de manière concertée sans impacter le milieu de manière irréversible.
Comment mieux capter l’eau pour répondre aux besoins ?
Ce n’est pas forcément le terme que j’emploierai. Il faut réfléchir à un usage parcimonieux de la ressource, en utilisant l’eau quand on en a besoin avec une « efficacité » la plus importante. Si on prélève un litre d’eau, il faut qu’il corresponde à notre besoin. Il faut agir pour qu’il n’y ait pas de perte entre le point de prélèvement et celui de la consommation.
Être économe est le premier bon réflexe. L’eau n’est pas une ressource fortement renouvelable : elle dépend du climat et de facteurs naturels qu’on ne maîtrise pas. En raison du réchauffement climatique, elle ne se renouvelle plus de la même manière. Il faut donc plutôt réfléchir à la manière de mieux utiliser l’eau.
Comment mieux utiliser l’eau en agriculture ?
Cette question sort un peu de mon périmètre de compétences. Là encore, j’aurais tendance à dire qu’il faut l’utiliser de manière plus efficiente. La modernisation des équipements, comme les canaux, le changement de type d’irrigation, etc. sont parmi les solutions qui limitent le gaspillage d’eau.
Il faut viser une irrigation parcimonieuse, afin qu’elle soit le plus « rentable » possible d’un point de vue hydrologique. Dans les débats actuels autour de la transition agroécologique, il ne faut pas forcément exclure toute possibilité d’irrigation : l’irrigation de complément devrait pouvoir s’intégrer dans des réflexions plus globales – au même titre que le travail des sols.
(1) Éric Sauquet est directeur de recherches en hydrologie à l’Inrae (Unité de Riverly), chargé de la thématique « changement climatique », question partage ressource en eau