Lutter contre les insectes vecteurs de maladies a sans doute rarement été aussi d’actualité. Les dernières crises sanitaires en élevage ont engendré de lourdes conséquences dans les filières. La recrudescence de la fièvre catarrhale ovine (FCO) de sérotype 8, puis la FCO-3, ainsi que la propagation de la maladie hémorragique épizootique (MHE) sont toutes dues à des virus transmis par des petits moucherons, les culicoïdes.

Comment rendre plus efficace la lutte contre ces vecteurs d’épizooties ? Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) s’est penché sur les méthodes de lutte face aux risques croissants de propagation de nouvelles maladies en Europe.

« Il ressort qu’aucune technique ne peut prétendre répondre seule aux enjeux de contrôle, voire d’éradication des vecteurs », selon le rapport publié le 17 juillet 2025. Pour les maladies transmises par les culicoïdes, « la mission ne voit pas d’alternative, à moyen terme, à une lutte chimique individuelle raisonnée », et préconise d’y associer plusieurs méthodes.

« Durant la période entre l’apparition des premiers foyers et une vaccination efficace, il convient de limiter au maximum la propagation de la maladie, tant par des mesures de biosécurité, de restriction de mouvements des animaux et de désinsectisations notamment pour les animaux transportés. Ces actions sont d’autant plus efficaces qu’elles sont appliquées sur les premiers cas détectés. »

Des méthodes biologiques et environnementales peu efficaces

Les techniques alternatives de lutte contre les insectes vecteurs connaissent un regain d’intérêts et d’investissements. Cependant, le CGAAER juge la lutte environnementale (1) et le piégeage « relativement inefficaces sur les culicoïdes », ces derniers étant trop nombreux. Quant à la lutte biologique, davantage développée pour protéger les végétaux, des « travaux de recherche sont en cours » mais les applications sur le terrain « restent encore rares ».

Si en santé humaine et végétale la lutte chimique « collective » par l’utilisation d’insecticides est la plus utilisée, « elle ne semble pas actuellement justifiée contre les culicoïdes », observent les rapporteurs. « Cette méthode impliquerait des épandages d’insecticides sur des grandes superficies », défavorables à des considérations environnementales, économiques et de santé publique.

En revanche, la lutte chimique « individuelle » par des produits répulsifs peut être menée à l’échelle d’un troupeau, soulignent-ils. « Elle fonctionne contre les culicoïdes, mais les essais montrent une mauvaise diffusion sur certaines zones du corps, qui sont des zones de prédilection pour les piqûres. Toutefois, c’est à ce jour et probablement pour les 5 à 10 ans à venir, la seule méthode permettant une réduction des populations de culicoïdes. »

Creuser les techniques génétiques

Les experts tiennent à relever la lutte génétique par la technique de l’insecte stérile, considérée comme l’une des plus respectueuses de l’environnement. « Sa contrainte principale, en voie d’être surmontée, reste son coût », dans la mesure où des millions de mâles stériles sont nécessaires pour éliminer une population de vecteurs. Ce qui invite à la préconiser dans le cas de lutte sur « une zone géographique donnée ». La technique « s’est révélée efficace pour lutter contre plusieurs insectes ravageurs dans le domaine végétal comme animal », notamment lorsqu’elle est associée à d’autres méthodes de lutte.

Enfin, sur la question de la modification génétique d’insectes, aussi nommé « forçage génétique », le CGAAER s’appuie sur une note de l’Anses datée de 2020, établissant qu’« aucune technique n’a encore atteint le stade d’aboutissement permettant d’envisager une dissémination dans l’environnement ». « La mission estime souhaitable que le forçage génétique pour lutter contre les vecteurs fasse l’objet d’une évaluation européenne. »

Créer une instance nationale et financer la recherche d’alternatives

« La création d’une instance de coordination nationale de la lutte anti-vectorielle dans une démarche “Une seule santé” » fait partie des propositions avancées par le CGAAER, ainsi que l’obtention d’un programme de recherche européen. Cette approche permettrait d’identifier des actions de terrains communes et « à bénéfices mutuels ».

Le CGAAER souhaite que cette coordination « soit assurée sous l’égide des trois ministères chargés de la Santé, de l’Agriculture et de la Recherche », tant pour accroître la production et diffusion de connaissances, que pour encadrer l’emploi de nouvelles méthodes. À l’instar de la protection des végétaux, il encourage à « sécuriser un financement pérenne de la recherche d’alternatives aux biocides en santé animale ».

Anticiper les crises par une surveillance active

La mission du CGAAER plaide pour un « changement de paradigme » dans la surveillance sanitaire. Il faut passer à « une approche d’anticipation des crises » et « investir dans la surveillance des dynamiques de populations de vecteurs », toujours dans le but de détecter le plus rapidement la circulation de nouveaux risques sanitaires sur le territoire.

Par ailleurs, les attentes sont fortes « pour disposer d’outils d’aide à la décision efficaces, nourris par les données collectées lors de précédentes crises ». Les rapporteurs mentionnent aussi la possibilité de mettre en œuvre des réseaux de « surveillance citoyenne » et de « captures de vecteurs ». La surveillance entomologique est « un outil d’alerte précoce » pour bien adapter la stratégie de lutte.

(1) Par exemple, l’élimination physique des gîtes larvaires du vecteur ciblé.