Son élevage de bovins fait partie des foyers de dermatose nodulaire contagieuse identifié en Savoie depuis la découverte du premier cas français le 29 juin dernier. Sur la commune d’Entrelacs, deux animaux malades ont été détectés la semaine passée dans le troupeau de Pierre-Jean Duchêne. Les deux vaches concernées ont déjà été euthanasiées, à sa demande. Sur son troupeau de 180 montbéliardes, 65 sont en estive en montagne, et il reste donc 123 animaux sur la commune.

« J’ai pris mes responsabilités d’éleveur »

« Un cas positif, tout le monde y passe. » Voilà comment Pierre-Jean Duchêne a résumé sa situation devant les caméras de BFM RMC le jeudi 10 juillet. Repérant « une vache avec l’apparition de nodule [le 3 juillet], on a immédiatement alerté les vétérinaires qui sont venus vers les prélèvements. […] Notre deuxième cas […] est apparu le samedi suivant. J’ai immédiatement alerté la clinique véto qui est venue faire l’analyse. J’ai procédé à l’euthanasie, j’ai pris mes responsabilités d’éleveur. »

Moins d’une semaine plus tard, le 9 juillet, « le maire en personne […] est venu dans la cour pour m’informer que l’expertise avait lieu deux heures après. On a expertisé pendant 3 heures les 123 animaux présents sur la commune. La décision [est tombée] le lendemain même de dépeupler le cheptel, d’euthanasier tout le monde. Deux cas sur 123 animaux, cela fait moins de 2 %. Je vous avoue que je ne sais pas comment je vais réagir demain quand tout sera terminé. »

Des « décisions […] radicales et irrévocables »

Pour le jeune éleveur âgé de 28 ans, ces « décisions […] sont radicales et irrévocables ». Il dénonce une gestion dans l’urgence « sans savoir si c’est la bonne solution ». « On a bloqué dès le soir [mercredi, N.D.L.R.], raconte-t-il à l’AFP. Et on a bien fait parce qu’à 6 h le lendemain matin, les services de gendarmerie étaient déployés. À ce stade, on ne sait pas ce qui va être décidé », déplore-t-il, après avoir reçu la visite d’un représentant du ministère de l’Agriculture qui n’a donné lieu à « aucune avancée ».

Pierre-Jean Duchêne dit garder « une lueur d’espoir » mais sans « se faire d’illusions », car l’euthanasie des troupeaux concernés par au moins une infection fait partie des mesures de lutte contre la propagation de la maladie. Il s’est préparé à bloquer son exploitation jusqu’à savoir quelles seront les propositions des autorités, au-delà de l’indemnisation des vaches pour acheter un nouveau troupeau.

Le jeune éleveur laitier voudrait un sursis pour ses bovins, déjà confinés depuis près de 15 jours, arguant que l’incubation de la maladie est de 28 jours. S’il y a abattage, « demain, on n’a plus de lait dans le tank, donc, plus de chiffre d’affaires, plus de revenus […] Comment on fait ? Et surtout combien de temps ça va durer ? », s’interroge celui qui a repris la ferme de ses parents il y a trois ans.

Soutenu par la Coordination rurale

Pierre-Jean Duchêne a reçu le soutien de voisins et de la Coordination rurale. « Le choc est violent, d’autant que le restant du troupeau va de manière impeccable, souligne Christian Convers, secrétaire général national de la Coordination rurale, et éleveur en Haute-Savoie. Si on laisse faire leur protocole d’abattage comme ils le font là, on va à la ruine », argue le syndicaliste venu soutenir son collègue, car l’État « n’est pas en mesure d’indemniser par rapport aux pertes qu’il y aura. »

Le Modef a également réagi vendredi, le 11 juillet 2025. Dans un communiqué de presse, le syndicat a estimé que « l’abattage systématique n’est pas une solution ». Alors que selon lui le risque mortel correspond aux mêmes taux que pour la fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE), il relève que ces maladies « n’ont pas entraîné la mise en place d’un tel protocole ».

Une « indispensable mesure d’abattage rapide et totale », selon la préfecture

Vendredi soir, à l’annonce d’un nouveau cas dans le département, la préfecture de Haute-Savoie a « fait part de son soutien aux éleveurs concernés, consciente de la détresse que génère cette indispensable mesure d’abattage rapide et totale ». Les services de l’État ont souligné qu’un abattage partiel « ne serait pas efficace pour éradiquer la maladie en raison de sa longue incubation, souvent sans signes cliniques », et « feraient peser un risque majeur pour la filière bovine d’excellence ».

Le même jour, la préfecture écrivait sur son site internet que les opérations de dépeuplement continuaient. « Depuis le début de l’épidémie, 143 bovins ont dû être euthanasiés conformément aux directives nationales. L’absence de symptômes ne garantit pas que les bovins sont indemnes. S’ils sont porteurs de la maladie, ils peuvent continuent à la transmettre à d’autres bovins par l’intermédiaire de mouches piqueuses ou de taons. »

La DNC, qui affecte bovins, buffles et zébus, se transmet par piqûres d’insectes comme le stomoxe ou le taon, mais n’est pas transmissible à l’humain. Présente en Afrique subsaharienne, en Asie et, depuis 2023, en Afrique du Nord, elle a été repérée en Italie le 22 juin 2025 « également pour la première fois, en Sardaigne puis en Lombardie », selon le ministère de l’Agriculture.