Le 19 mars à Bruxelles, une réunion a révélé le fossé profond qui divise les parlementaires sur la révision du règlement concernant le transport des animaux. Le texte actuellement en discussion vise à remplacer le règlement de 2005 sur le transport animal, jugé insuffisant par certains et mal appliqué par d’autres. La proposition initiale de la Commission européenne comporte plusieurs mesures phares : l’amélioration du suivi de la législation, l’équipement des véhicules avec des systèmes de positionnement, le renforcement de la formation du personnel, des dispositions spécifiques pour les espèces aquatiques, ainsi que l’utilisation de solutions numériques pour faciliter les tâches administratives.

Deux visions inconciliables

La Luxembourgeoise Tilly Metz (Verts/ALE), rapporteure pour la commission des transports, et le Roumain Daniel Buda (PPE), rapporteur pour la commission de l’agriculture, incarnent parfaitement la fracture politique sur ce dossier. Pour l’eurodéputée écologiste, le texte ne va pas assez loin dans la protection animale. Elle plaide notamment pour « une approche holistique et une vision à long terme dans l’intérêt des animaux et des agriculteurs », incluant des temps de transport réduits, davantage d’espace pour les animaux, des règles de température plus strictes et, à terme, une transition vers le transport de viande plutôt que d’animaux vivants.

À l’opposé, Daniel Buda estime que la révision « entraînera des conséquences économiques dévastatrices pour les éleveurs et les transporteurs de l’UE ». Bien qu’il reconnaisse l’importance du bien-être animal, il met en avant « la complexité du dossier » et les « potentiels impacts négatifs sur les agriculteurs » en termes de coûts et de compétitivité. Pour lui, certaines mesures proposées manquent de base scientifique solide et ne tiennent pas compte des spécificités des différents États membres.

Les principaux points de discorde

Les désaccords entre partisans et opposants à cette révision portent sur plusieurs aspects fondamentaux. D’abord, la nécessité même d’une nouvelle législation. Certains estiment que le règlement de 2005 serait suffisant s’il était correctement appliqué, quand d’autres insistent sur le besoin de nouvelles règles. Ensuite, l’impact économique. De nombreux élus craignent une augmentation significative des coûts pour les agriculteurs et transporteurs, nuisant à la compétitivité de l’élevage européen face aux importations.

Concernant les mesures techniques, l’augmentation de l’espace disponible dans les camions est perçue par certains comme pouvant entraîner davantage de blessures, et les exigences de température sont jugées irréalistes dans les pays du sud de l’Europe. Un argument balayé par la direction de la Santé et de la Sécurité alimentaire de la Commission européenne (DG Santé), qui insiste sur les recommandations scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en la matière. Elle affirme que l’augmentation de l’espace, bien que plus élevée que dans les règles actuelles, ne devrait pas avoir d’impact négatif sur le bien-être animal et pourrait même améliorer la régulation de la température et l’accès à l’eau. Par ailleurs, l’alourdissement potentiel des démarches administratives inquiète le secteur. Enfin, le texte est accusé par certains de ne pas suffisamment prendre en compte les différences géographiques et climatiques entre États membres.

La suite du processus législatif

Après ce débat entre les deux commissions du Parlement, le texte continuera son parcours législatif. Les négociations s’annoncent difficiles entre ceux qui, comme Tilly Metz, souhaitent renforcer les mesures de protection animale, et ceux qui, à l’instar de Daniel Buda, veulent éviter de fragiliser le secteur agricole. Le Parlement va poursuivre ses discussions sur des questions clés comme les temps de voyage, l’espace disponible, la température et l’exportation vers les pays tiers. De son côté, la Commission se dit à l’écoute et prête à discuter de toute suggestion qui permettrait d’améliorer la mise en œuvre des règles et le niveau de protection des animaux, tout en garantissant la faisabilité des nouvelles règles pour les opérateurs.

Le défi pour les législateurs européens sera donc de trouver un équilibre entre l’amélioration du bien-être animal, l’applicabilité concrète des mesures sur le terrain et la préservation de la viabilité économique du secteur agricole européen. Une équation complexe que les prochains mois de négociations tenteront de résoudre.