Et si le changement climatique était bénéfique à certains pays agricoles ? Pour Jean-Jacques Hervé, membre de l’Académie d’agriculture, la Russie devrait tirer profit d’une augmentation des températures dans les années à venir et inonder le marché des grains (blé et maïs).
Potentiel de productivité
Premier exportateur mondial de blé depuis 2017, l’agriculture russe représente actuellement 220 millions d’hectares de terres. « Une petite surface, comparée à l’immensité du pays », analyse Jean-Jacques Hervé, qui a été conseiller agricole à l’ambassade de France en Russie. Le réchauffement climatique ne devrait pas faire beaucoup augmenter la surface cultivable. « De 5 % au maximum, avec le risque d’être confronté à des problèmes d’eau », affirme-t-il. Mais avec un volume de 120 millions de tonnes de grains par an, c’est le potentiel de productivité de cette nation qui pourrait changer la donne.
Dans des régions comme celle de Barnaoul, non loin de la frontière avec la Chine, les rendements de blé pourraient plus que doubler. « De l’ordre de 2 tonnes par hectare actuellement, il est possible qu’ils atteignent 4 à 5 t en peu de temps, et l’irrigation est envisageable dans cette zone », explique l’académicien. La hausse du thermomètre pourrait donc accélérer la montée en puissance du secteur agricole, entamée il y a plus de dix ans. Si la chute de l’URSS, en 1991, a été synonyme de déclin, la tendance s’est inversée au début des années 2000.
« De nombreux investissements ont été réalisés dans des infrastructures et dans l’agro-industrie, grâce à l’utilisation de la rente pétrolière », rapporte Jean-Jacques Hervé. Quant à l’embargo mis en place par Vladimir Poutine, en 2014, contre les produits occidentaux, il a stimulé la production. « Le machinisme se développe, le recours à la génétique aussi et le pays s’est doté de grandes compétences techniques », constate-t-il.
La Russie occupe une place stratégique au niveau du globe. Son accès direct à la mer Noire, donc au bassin méditerranéen, lui permet d’être aujourd’hui un important partenaire des pays du Maghreb. Son réseau ferré transporte de la marchandise vers l’Est, où se trouvent des pays importateurs nets de grains, comme le Japon. Et le gouvernement affiche de grandes ambitions pour multiplier encore plus les infrastructures de transport.
Avec un coût de production moyen de 100 dollars la tonne de blé, l’agriculture russe redistribue les cartes sur les marchés mondiaux et bouscule les exportateurs de grains historiques, comme la France, qui continue de perdre des parts de marché.