La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), syndicat des professionnels de l’immobilier, a mis la Safer dans son viseur. Elle a annoncé ce 5 mars 2025 avoir déposé mi-janvier deux plaintes auprès de la Commission européenne. L’une vise directement les Safer pour abus de position dominante et la seconde cible l’État pour des aides illégales dont les Safer bénéficient.
« Distorsion de concurrence »
« Nous ne nous remettons pas en cause les missions des Safer, nous remettons en cause la déviance de leurs activités », appuie Loïc Cantin, président de la Fnaim. Il prend notamment pour preuve la plateforme proprietes-rurales.com, un site d’offres des Safer. « C’est la plus belle plate-forme immobilière de tous les temps, estime-t-il. Vous y trouverez un nombre de biens immobiliers qui n’ont rien à voir avec l’agriculture. C’est là le bien-fondé de la plainte déposée par la Fnaim. On ne peut pas supporter une telle distorsion de concurrence qui repose sur des avantages qui ont été détournés ».
Parmi ces avantages, la Fnaim critique « un monopole d’information » de la Safer en ayant « un accès anticipé aux transactions foncières rurales ». La fédération fait référence ici à la notification de vente que doit adresser le notaire pour tout projet de vente en milieu rural. Une situation qui aurait des répercussions importantes, note la Fnaim. Elle cite notamment l’exemple de la Bretagne, où en 2022, le marché des maisons rurales par la Safer représentait 13 291 transactions, soit près de 40 % des transactions totales de la Safer Bretagne.
Une exonération fiscale critiquée
Un élément créant « une distorsion de concurrence » auquel s’ajoute un avantage fiscal propre aux Safer. « C’est un hold-up rural auquel on assiste sur des recettes dont elles peuvent disposer », estime Loïc Cantin. Fiscalement, les Safer disposent d’une exonération de droits de mutation à titre onéreux, sous certaines conditions, dans les acquisitions et les cessions qu’elles réalisent. Cela leur permet de pratiquer des frais d’intermédiation bien inférieurs à ceux des agences immobilières estime la Fnaim.
« La Safer montre à l’acquéreur l’intérêt de traiter avec elle puisqu’elle est exonérée de droits de mutation. C’est un détournement de fonds publics inacceptable dans la période dans laquelle nous sommes », ajoute Loïc Cantin qui dénonce également les aides d’État et de collectivités locales versées aux Safer.
Il a annoncé avoir adressé un courrier à la ministre de l’Agriculture sur les critiques formulées par sa fédération qui s’oppose également à la proposition de loi visant à renforcer les pouvoirs de la Safer. Le texte est actuellement dans les mains de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale et sera discuté le 11 mars en séance publique.
La Safer répond aux attaques
Contacté par La France Agricole, Emmanuel Hyest, président de la FNSafer a réagi à l'annonce et réfute les arguments avancés par la Fnaim. C'est pour lui l'illustration d'une « incompétence crasse » de la part d'une fédération qui « ne connait pas les missions des Safer octroyées par le législateur ».
Il en prend notamment pour preuve les chiffres avancés concernant les ventes de maisons rurales en région Bretagne citées plus haut qu'ils jugent « délirant ». Au niveau national, ce marché représente « moins de 500 opérations sur les 5 dernières années pour 5 000 hectares de foncier agricole, soit une moyenne de 10 hectares » par bien, indique Emmanuel Hyest.
« La grosse différence entre les agents immobiliers et les Safer c'est que les Safer ont une mission de régulation des marchés alors que les agents immobiliers sont dans une spéculation pure loin de l'intérêt général. Cette attaque venant de la part d'un secteur qui démontre qu'il a du mal à loger les Français est malvenue ». S'il n'est « pas très inquiet » sur l'issue de ces plaintes, Emmanuel Hyest prévoit d'échanger avec la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard qui est est à tête du ministère de tutelle des Safer pour évoquer les recours de la Fnaim.