« La robotisation est une possibilité mais pas obligatoirement une solution. Le choix doit être mûrement réfléchi et assumé », soutient Jean-Louis Poulet, responsable du projet « R&D traite » à l’Institut de l’élevage (Idele). Si les installations de traite conventionnelles sont encore majoritaires, de plus en plus d’éleveurs se tournent vers le robot (lire l’encadré ci-dessous). Pour Jean-Louis Poulet, cette solution ne convient à tout le monde. « Un robot engendre des contraintes, de la même manière qu’une salle de traite. »

La charge mentale associée à l’automate n’est pas anodine, car l’outil tourne 24 heures sur 24. « Avec le robot, les éleveurs reçoivent potentiellement des notifications jour et nuit. Pour certains, le fait de devoir gérer des données va apporter plus de stress que de souplesse. Tout le monde n’est pas égal face à ces contraintes. » Faire le tri entre les alarmes indiquant un vrai problème et les notifications à valeur informative peut être complexe.

Gérer l’astreinte

Outre la sollicitation digitale permanente, détenir un robot en structure individuelle signifie être toujours disponible pour intervenir en cas de problème. « L’exploitant peut se retrouver prisonnier de l’astreinte. Un dysfonctionnement le dimanche pendant le repas de famille est vite arrivé », constate Jean-Louis Poulet. Dans le cas des exploitations avec plusieurs associés, s’assurer que chacun puisse intervenir sur le robot représente une sécurité d’esprit non négligeable.

S’il est avéré que le robot fait gagner en moyenne 20 % de temps en phase de croisière, ce n’est pas une garantie. « Certains arrivent à dégager ce temps pour la gestion de la reproduction ou la santé du troupeau, d’autres prennent du temps pour eux et leur famille. Mais il est aussi possible de devoir utiliser ce temps, voire d’en perdre plus, pour sécuriser le système robotisé », observe le spécialiste. Finalement, le rapport au temps est différent en fonction de l’outil. « Les horaires de traite conventionnelle sont bien définis. Avec un robot, on gagne du temps mais on ne sait jamais quand. »

Se décomplexer

Du côté financier, être capable de supporter l’investissement et le coût de fonctionnement plus élevé du robot est primordial. Jean-Louis Poulet invite à décomplexer le choix de rester en traite conventionnelle. « Ce n’est pas une honte de ne pas être fervent des technologies. Certains ont besoin de voir leurs animaux deux fois par jour. » Et si l’idée d’installer un robot repose sur l’envie d’arrêter de traire, l’option du salariat doit être mise sur la table avant de se lancer dans un coûteux investissement.

La question à se poser ? « Suis-je prêt à gérer de la main-d’œuvre ? », répond Jean-Louis Poulet. Dans tous les cas, ceux qui géreront la traite tous les jours doivent être impliqués dans le choix de la modification de l’installation de traite. « En résumé, la décision doit répondre à un besoin. Le tout est de choisir quelles contraintes on souhaite supporter. »