À l’Académie de l’agriculture à Paris, le 7 mai 2025, un constat s’impose parmi les économistes ruraux à l’occasion d’un après-midi consacré au revenu agricole. « L’agriculture est le secteur avec les écarts de revenus les plus importants », explique Jean-Philippe Boussemart, économiste et professeur émérite à l’Université de Lille. Avec en tête, les exploitations céréalières spécialisées : sur les quatorze dernières années, 30 % ont des revenus inférieurs à 15 000 € (1), tandis que les 10 % supérieurs ont un revenu moyen de 84 000 €.

En revanche, dans les exploitations d’herbivores, « les écarts sont moins forts », soutient Vincent Chatellier, économiste à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). « Parce que dans celles-ci, les revenus ne grimpent pas jusqu’au ciel » lors des bonnes années contrairement à la viticulture, aux grandes cultures et à l’élevage de porcs, estime le chercheur.

En bovins lait, les 10 % des exploitations les plus basses avaient un revenu d’environ 3 400 € par an (en moyenne de 2010 à 2023) tandis que les 10 % les plus hautes avaient un revenu d’environ 61 800 €. (©  Capture d'écran, Inrae)

« Les écarts de revenus sont d’autant plus forts quand la conjoncture est bonne », ajoute Vincent Chatellier, qui a analysé le revenu agricole et ses écarts selon les filières depuis 2010. Dans ces moments, « ceux qui sont très bien positionnés carburent », explique l’économiste en prenant l’exemple de 2022, meilleure année depuis 2010 pour la plupart des filières.

Pour la filière des bovins lait, l’année 2016 a été la pire en termes de revenus sur les treize dernières années avec une moyenne, pour toutes exploitations confondues, de 17 400 € de revenu comptable avant impôt par unité de travail. (©  Capture d'écran, Inrae)

Les subventions, « filet de sécurité »

Par ailleurs, « les subventions représentent un filet de sécurité considérable », soutient Jean-Philippe Boussemart. Elles concernent plus de 50 % de l’EBE agricole (2). En 2018, la moyenne d’aide par actif est de 21 000 € pour un agriculteur contre 470 € pour un indépendant d’un autre secteur. Alors que le secteur agricole a le revenu brut le plus élevé par rapport à celui d’autres travailleurs indépendants, « sans ces subventions, le revenu brut moyen serait le plus bas de tous les secteurs », note l’économiste.

(1) Revenu agricole calculé sur le RCAI, revenu comptable avant impôt.
(2) Excédent brut d’exploitation.