La délégation de la FNSEA a brusquement quitté une réunion organisée le vendredi 15 mars 2024 à Matignon sur la mise en œuvre du calcul des pensions des exploitants sur leurs 25 meilleures années, et non plus l’ensemble de leur carrière.

Report de la réforme de deux ans

« Alors que le lancement de la réforme doit intervenir au 1er janvier 2026, les propositions sur la table en repoussent toujours l’application à 2028 », dénonce le syndicat dans un communiqué de presse diffusé le 15 mars 2024. Pour appliquer la loi Dive du 13 février 2023 sur les 25 meilleures années, le gouvernement privilégie en effet un mode de calcul, dit « scénario 4C de double liquidation ».

Ce scenario prévoit « la liquidation selon les règles actuelles du régime de retraite des non-salariés agricoles pour la partie de carrière antérieure à 2016, et la liquidation en appliquant la règle de calcul des 25 meilleures années de revenus professionnels agricoles pour la partie de carrière postérieure à 2015 », selon le rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) de janvier 2024.

Des propositions « finançables » et sans « aucun perdant »

Selon le syndicat majoritaire, ce report est « inacceptable », car il existe des solutions pour une mise en œuvre en 2026 « en commençant par les 25 meilleures années de points de retraite proportionnelle avant de basculer progressivement sur les 25 meilleures années de revenus en cohérence avec les salariés et les autres indépendants ».

La FNSEA avance que ses propositions sont « finançables », ne génèrent « aucun perdant », et peuvent être « mises en application par la MSA », ceci en adéquation avec la volonté des parlementaires.

Audition de la MSA au Sénat

Il semble qu’un bras de fer soit également engagé entre le gouvernement et la MSA. À l’occasion d’une audition le 6 mars 2024 au Sénat, Pascal Cormery, président de la CCMSA (Caisse centrale de MSA), a dénoncé à plusieurs reprises le fait que la MSA « a été écartée de la mise en œuvre des 25 meilleures années », qu’elle n’a pas collaboré au rapport, ni été entendue « ni pendant le rapport, ni même aujourd’hui ».

Christine Dechesne-Ceard, directrice de la réglementation à la CCMSA, a expliqué que le scénario 4C actuellement privilégié par le gouvernement, aboutirait à « un taux de perdants autour de 7 % », selon un chiffrage effectué par la Cnav (assurance vieillesse).

Quant à la proposition de loi du sénateur Philippe Mouiller (LR), elle a indiqué qu’elle permettrait de ne pas faire de perdant, avec des effets variables : « pas de gain » pour ceux qui ont peu cotisé, un bonus autour de 30 € par mois pour les « revenus à cotisation moyenne », et avec un maximum de 190 € par mois, « ce qui fait une moyenne entre 100 et 120 €, si on ne change rien à l’arborescence du régime ».

Une mise en œuvre par étapes

Cette proposition de loi, qui vise à unifier la retraite forfaitaire et proportionnelle par points en une pension unique, « risque de reporter la date de mise en œuvre de la réforme », attendue pour 2026, a alerté Christine Dechesne-Ceard. Toutefois, elle serait la proposition « la plus acceptable » pour la MSA, à condition d’y aller par étapes, de ne pas modifier les règles de calcul avant 2028, et de lui donner des moyens supplémentaires.

À la suite de cette audition, la commission des affaires sociales du Sénat a examiné la proposition de loi le 13 mars 2024. En accord avec la MSA, elle a renoncé à la fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle, afin de garantir l’application de la réforme dès 2026. Le Sénat doit examiner ce texte en séance publique le 19 mars 2024.

Comme le reconnaît son auteur, le sénateur LR Philippe Mouiller, « ce texte a pour principal objet de mettre la pression sur le Gouvernement », car celui-ci aurait reporté l’arbitrage de ce dossier d’ici à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, à l’automne.