« Nous souhaiterions attirer l’attention du gouvernement de votre Excellence sur des informations que nous avons reçues concernant les projets de stockage d’eau », ont écrit le 18 mai 2023 six rapporteurs (1) du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme au gouvernement français. Leur lettre a été rendue publique soixante jours plus tard, soit le 18 juillet 2023.
Les auteurs y retracent l’historique des oppositions aux projets de « mégabassines » et attendent du gouvernement des précisions sur six points, pour « tirer au clair [ces] cas qui ont été portés à notre attention ». L’un d’entre eux consiste à « fournir des informations sur les mécanismes existants pour impliquer les agriculteurs français et les organisations qu’ils représentent dans le processus de concertation, médiation et prise de décision concernant les projets de mégabassines et assurer que leurs intérêts et préoccupations soient pris en compte de manière adéquate pour garantir le droit la nourriture, à l’eau et à l’assainissement et à un environnement sain. » Les autres concernent les violences commises lors de manifestations, notamment à Sainte-Soline, ainsi que la « criminalisation » de certains manifestants et organisations qui pourrait rentrer en conflit avec la liberté d’expression.
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Recommandations
« Les informations reçues suscitent des inquiétudes quant aux effets négatifs des mégabassines et barrages hydrauliques sur la production alimentaire. Pour garantir le droit à l’alimentation, il conviendrait de plafonner les volumes d’eau attribués aux exploitations agricoles en fonction du nombre de travailleurs et leur production. De manière générale, nous soutenons que les financements liés à l’eau en agriculture doivent être massivement réorientés vers le soutien et le développement de pratiques permettant de retenir l’eau dans les sols […], la protection de l’eau (réduction des intrants chimiques de synthèse) et l’économie des ressources en eau », estiment par ailleurs les rapporteurs.
« Nous partageons les inquiétudes exprimées par les agriculteurs, les paysans et les experts sur le fait que ces mégabassines représentent un défi en termes de maintien des systèmes agricoles basés sur un approvisionnement naturel en eau et le développement de pratiques qui stimulent et soutiennent la vie des sols, ainsi que des systèmes d’irrigation ayant un impact limité sur les ressources en eau. […] Nous encourageons davantage la pérennisation d’un modèle agricole qui relocalise les aliments, produit des aliments de qualité et limite l’impact du changement climatique sur les ressources en eau. »
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Dialogue « inclusif et transparent »
La Confédération paysanne et le Cetim (Centre d’étude, de recherche et d’information sur les mécanismes à l’origine du maldéveloppement) ont salué le 19 juillet l’envoi de la lettre. Elles en ont profité pour réitérer « leur appel au gouvernement français à s’engager pleinement dans la réouverture d’un dialogue inclusif et transparent sur l’usage de l’eau en agriculture et à cesser la criminalisation des mouvements sociaux. Pour ce faire, un moratoire sur les projets de construction de mégabassines est indispensable. »
(1) Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ; rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le contexte des changements climatiques ; rapporteur spécial chargé d’examiner la question des obligations relatives aux droits de l’Homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable ; rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association ; rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme et rapporteur spécial sur les droits à l’eau potable et l’assainissement.