Avec la réduction du nombre de matières actives autorisées pour désherber les prairies, se débarrasser des rumex et des chardons tourne parfois au casse-tête. Un problème rencontré par les membres de la Cuma La Pratique, située sur la commune du Teilleul, dans la Manche.

« Certains collègues ont fini par réduire leur surface en herbe au profit du maïs ou des céréales, tellement leurs pâtures étaient envahies, souligne Guillaume Martel, l’un des adhérents de la Cuma. Certains traitent avec un appareil à dos, ou pratiquent l’arrachage manuel, mais cela reste contraignant et impossible à réaliser à grande échelle. En recherchant une solution alternative, j’ai ainsi découvert l’Ara de la société suisse Écorobotix. Grâce à ses caméras embarquées, il réalise une pulvérisation ultra-localisée. Nous l’avons vu en démonstration en 2023 et, après avoir recensé un nombre d’hectares suffisant pour le faire fonctionner, nous avons décidé d’investir dans ce concept. »

Le pulvérisateur Ara d’Écorobotix se compose de trois modules identiques pour une largeur de travail totale de 6 m. Il se déplace à 7 ou 8 km/h. (© Thierry Blin)

Une buse tous les 4 cm

Ce pulvérisateur, d’une largeur de travail de 6 m, se compose de trois modules de 2 m chacun. Les deux éléments extérieurs se replient pour le transport. Chaque module est équipé de deux caméras qui identifient la végétation et reconnaissent les adventices. À l’arrière, le constructeur a placé une rangée de buses de pulvérisation espacées tous les 4 cm, la machine en possède 156 au total. Toutes sont dotées d’un système d’ouverture et de fermeture individuel, directement commandé par la console en cabine.

Chaque capteur scanne le sol et déclenche la pulvérisation uniquement sur les plantes à éliminer. Les caméras 3D se charge aussi de maintenir la rampe à la bonne distance des plantes à traiter. La proximité des buses entre elles rend le positionnement du désherbant très précis.

L’appareil dispose d’une caméra tous les mètres et de buses espacées de 4 cm pour un traitement ciblé uniquement sur les adventices. (© Denis Lehé)

« Le traitement étant réalisé sous des capots fermés, il n’est pas perturbé par le vent. Cependant, nous n’intervenons pas quand il fait trop chaud ou qu’il pleut. Pour être efficace, il faut également passer sur des rumex suffisamment développés, mais pas encore montés à graine », détaille Guillaume. La Cuma emploie des produits comme Simplon ou Daytona, des granulés dispersibles à base de metsulfuron-méthyl.

Cette matière active antidicotylédones est efficace sur prairies, mais elle n’est pas sélective du trèfle. Cela a peu d’importance, puisque le produit n’est appliqué que sur les rumex et les chardons. Quelques pieds de trèfles à proximité sont parfois touchés, mais l’impact reste faible. Le délai avant pâturage ou fauchage est de 21 jours.

Économie de 90 % de produits

Durant l’année 2024, la Cuma a traité plus de 1 400 ha, avec des résultats satisfaisants. Comparée à un traitement en plein, la localisation a permis une économie de 90 % de produits phytosanitaires. Le matériel Ara inclut un châssis monté sur le relevage avant du tracteur. Il comprend une cuve d’eau claire de 600 l et une cuve de 300 l qui contient la bouillie.

Quand le chauffeur part sur un chantier, il ne sait jamais combien de produit il va utiliser, mais il peut repréparer de la bouillie. Une Cuma ne pouvant pas facturer de produit phytosanitaire, une fois l’application terminée, le chauffeur calcule la dose réellement épandue et demande à l’agriculteur de lui fournir la quantité de produit correspondante.

À l’avant, la petite cuve de 300 l contient la bouillie. Le chauffeur dispose d’une réserve d’eau claire de 600 l pour en repréparer à la demande. (© Denis Lehé)

Au travail, la machine évolue entre 7 et 8 km/h, donnant un débit instantané de 4 ha/h. En intégrant tous les temps de déplacement et de préparation, le débit réel tombe à 1,8 ha/h. Généralement, un seul passage par an suffit. La prestation est facturée 60 €/ha à l’agriculteur. Ce dernier fournit le produit au chauffeur, mais ce poste est peu élevé, environ 1 €/ha seulement.

De 95 à 98 % de rumex détruits

« Le bilan après bientôt deux saisons est très positif, souligne Michael Coulmin, le président de la Cuma. Nous atteignons des niveaux d’efficacité de l’ordre de 95 à 98 % de rumex détruits. Par comparaison, avec des produits sélectifs du trèfle appliqués en plein, le résultat plafonne entre 60 et 70 %, avec en plus une baisse de la production fourragère. Le matériel est donc très utilisé et nous sommes mêmes parfois obligés de refuser des demandes d’intervention. L’entretien à réaliser est minime, et aucune panne importante n’est survenue jusqu’à présent. Les éleveurs du groupe ont accueilli cette technique très favorablement. Certains ont même décidé d’augmenter la part d’herbe ou de pâturage dans l’alimentation de leur troupeau depuis la mise en service de cette machine. »