C’est à la salle des fêtes de Saint-Sulpice (Nièvre) qu’ils se sont donné rendez-vous ce samedi 17 septembre 2016. Il y a là un couple venu de l’Allier. À côté d’eux a pris place une agricultrice de la Nièvre qui a enfin accepté de rejoindre l’AMR, l’Association d’aide au monde rural. Comme quarante-deux autres membres de l’association, originaires de 18 départements, ils ont été privés d’ATR ce printemps parce qu’en règlement judiciaire. Une injustice aujourd’hui réparée pour la plupart d’entre eux mais qui les a meurtris une fois de trop et les a poussés à créer l’AMR.
Parler sans détour
Une trentaine d’entre eux s’est déplacée dans la Nièvre, venue des départements limitrophes et même de la Charente-Maritime. Très au fait de leurs dossiers Pac, quand ils se présentent les uns après les autres, ils parlent sans détour, comme l’on peut parler entre personnes qui ont vécu le même enfer. Comme ce couple de laitiers de la Charente-Maritime : aujourd’hui âgés de 55 ans, ils se sont installés dans la force de leurs 20 ans. Peu de temps après, leur troupeau, victime de la leucose, est abattu.
Leur trésorerie déséquilibrée pour longtemps, les maintiendra au bord d’un précipice qu’ils côtoient toujours. Privés d’ATR, ils ont vu leur plan de redressement commué en liquidation. Persévérants, ils ont pris un second travail chez un vigneron pour qui ils sont prestataires de services. Une chance supplémentaire, estiment-ils, d’obtenir gain de cause auprès de la cour d’appel qui doit statuer en octobre sur la liquidation ou la continuation de leur exploitation. Ils sont persuadés que leurs efforts sans limite convaincront le juge en appel. Et espèrent installer quand ils seront sortis des difficultés, ce fils qui les aide tous les weekends.
Le mal-être du monde agricole
Il y a aussi ce céréalier à vif qui se vit abandonné de tous, même de ceux qui auraient bien voulu l’aider : pleins de bonne volonté, des bénévoles ont commencé par lui faire la leçon. Il n’a pas supporté. Il y a aussi ce cinquantenaire aujourd’hui en reconversion bio qui espère, dans un an, voir son litre de lait enfin payé au juste prix de son travail. Installé il y a 25 ans en Gaec avec son père déjà en difficulté, il a été rejoint par son frère. Faisant suite à une mauvaise entente entre eux deux, et malgré un passif plus lourd que l’actif, sa femme s’est substituée à ce dernier dans le capital social. Avant de devoir elle aussi quitter l’exploitation pour cause de maladie. Elle occupe désormais un emploi extérieur. Dans dix ans si le plan se poursuit, il espère voir le bout du tunnel.
Le mal-être du monde agricole est là, palpable : l’isolement, des conseils qui, à écouter ces témoignages paraissent parfois inadaptés, l’incurie ou le manque de scrupules de certains mandataires. Le poids de la famille qui parfois transmet un capital et autant de dettes accumulées. Enfin, les aides Pac tellement plus accessibles quand tout va bien ! Ces quarante familles ont trouvé dans l’AMR et dans leurs quatre meneurs, la possibilité d’exprimer enfin leurs soucis et la chaleur de ceux qui savent par où ils sont passés et passent encore.
Une cotisation minimale
Au milieu d’eux s’était assis le président de la MSA de la Bourgogne, lui-même céréalier qui a répondu à leur invitation. « La MSA ne doit pas être seulement perçue comme un percepteur, commence-t-il. Pour 1 € versé, il y a 3 € reversés, déclare-t-il en préambule. Je suis venu pour écouter, pour savoir, pour demander à ma structure une attention sur ces cas particuliers. Il faut que nous soyons en capacité de prendre vos appels. »
Une réponse directe au céréalier qui se décourage face au dossier de demande de RSA : « On ne sait plus où appeler, comment remplir ces dossiers. » L’AMR lui a soumis une demande précise : « Obtenir que la cotisation de MSA soit, pendant la durée du plan de redressement, la cotisation minimum », expose Sandrine, la dynamique secrétaire de l’association qui précise : « En plan de continuation, on ne peut pas investir. Et cela augmente notre base de cotisation alors qu’on a déjà du mal à faire face. D’autant que le peu que l’on investit, est autofinancé. »
Des relais de confiance
Éric Guérin, médiateur local, présent au sein de l’association par solidarité envers ces agriculteurs, estime quant à lui qu’il faudrait « créer des relais de confiance, en dehors des structures agricoles qui parfois intimident les agriculteurs en détresse qui se sentent juger, une structure avec une aide psychologique, avec des écoutants soumis à la confidentialité. Certains ont perdu toute confiance dans leurs interlocuteurs professionnels habituels. D’autres pensent que des repreneurs guettent leur ferme et leurs faux pas. Il arrive que certains créanciers les harcèlent. On ne peut pas laisser le désespoir s’installer. On n’en a pas le droit. »