« Depuis dix ans, nous constatons une forte dégradation des prairies naturelles dans le Cantal, un département de montagne jusqu’alors réputé pour la qualité et la richesse de ses herbages, explique Vincent Vigier, ingénieur à la chambre d’agriculture du Cantal. Les dégâts causés par des répétitions de sécheresses et de périodes de canicule, sans oublier les pullulations de rats taupiers, imposent la recherche de solutions d’adaptations. »

Des prairies avec des légumineuses

Le report d’herbe est une pratique ponctuelle qui séduit un nombre croissant d’éleveurs. Elle consiste à stocker l’herbe sur pied pour la faire pâturer 45 jours plus tard au lieu de la récolter. « Pour assurer un minimum de qualité et d’appétence au fourrage, la présence de légumineuses, de l’ordre de 20 à 25 %, est indispensable dans le choix de la prairie à reporter », poursuit le spécialiste.

Les repousses feuillues des légumineuses conservent une valeur alimentaire très intéressante et une bonne appétence malgré un âge de repousse élevé. « Laisser mûrir les graminées jusqu’à la grenaison permet aussi un ré-engazonnement naturel de la prairie estimé à l’équivalent de 100 kg de semences par hectare, précise Vincent Vigier. Nous préconisons le choix de petites parcelles, entre deux et six hectares. »

Génisses ou vaches taries au fil

Les vaches taries, les génisses, les bœufs sont à même de bien valoriser ces reports. Il est conseillé de les faire pâturer au fil avant et arrière.  Des essais conduits sur quatre ans par la chambre d’agriculture de la Meurthe et Moselle révèlent un rendement en 2022 de 3,6 t de MS/ha à 55 % de MS, 5,4 % de MAT, 0,65 UFL/kg de MS, 28 g/kg de PDIN et 60 g/kg PDIE pour des prairies pâturées neuf semaines après le précédent pâturage, avec 15 % de légumineuses au printemps.

Cette pratique permet aussi de réduire les frais de mécanisation nécessaires à une récolte puis à une re-distribution du fourrage au pré en période de sècheresse. Le fourrage pâturé est la méthode la plus économique. La récolte et le stockage des fourrages peuvent  tripler le prix de revient de la tonne de matière sèche.

« Ces parcelles résistent mieux aux longues périodes de sécheresse car la prairie continue sa pousse, rapporte Vincent Vigier. On mesure 5°C d’écart au sol entre une prairie rase et celle disposant de 10 cm de hauteur de végétation. » Les canicules impactent particulièrement le système racinaire des plantes complètement privées des « capteurs solaires » que sont les feuilles. « Nous conseillons dans ces conditions des hauteurs d’herbe sortie de pâturage de 8 cm au minimum, afin de préserver le potentiel de repousse et de limiter la dessication des sols. »