« À l’exception du sud du pays, les cumuls de précipitation ont été importants et ont permis de compenser, au moins en partie, le déficit observé en sortie d’hiver, observe l’Institut de l’élevage dans sa note agroclimatique et prairie publiée le 12 avril 2023. Au 1er avril, l’indice d’humidité des sols était proche, voire supérieur aux valeurs de saison, sauf dans les départements du sud de la France où les sols restent secs. Les précipitations du mois de mars ont peu d’impact sur les nappes souterraines qui restent pour les trois quarts en dessous des normales. »
Faucher pour obtenir des repousses
La mise à l’herbe des troupeaux s’est globalement bien passée. Pour autant, elle reste souvent tardive. Le repère des sommes de températures est encore trop peu utilisé en élevage allaitant, observent de nombreux conseillers « fourrages ». Il est aussi nécessaire de composer avec les conditions météo.
« Nous avons lâché nos vaches suitées entre le 7 et 10 avril en raison de la fraîcheur des nuits, relate Antoine Buteau, de la ferme expérimentale des Bordes (Indre). Au 24 avril, le cumul des sommes de températures atteignait 670°C aux Bordes et les hauteurs d’herbe avoisinent 15 à 16 cm, précise-t-il. Nous allons donc faucher certaines d’entre elles rapidement pour ne pas être débordé et obtenir des repousses de qualité avant la chaleur estivale. »
Anticiper avec un calendrier
Retirer une parcelle du circuit de pâturage, c’est facile lorsque le pâturage tournant est bien mis en place. « Cela nécessite toutefois de réfléchir chaque année à son calendrier de pâturage en février avant la mise à l’herbe, souligne Pascale Pelletier, consultante-formatrice en prairies et fourrages. Trois, quatre, cinq… parcelles sont affectées à chaque lot de vache en fonction des points d’eau, du parcellaire. Il est alors aisé d’en retirer une du pâturage lorsque la pousse s’accélère. »
Complémentation évitable
Cela renforce les stocks en cas de sécheresse. Celle de 2022 a laissé des traces. Certaines exploitations finissent sans la moindre réserve. « C’est même l’absence de balles dans la grange qui a, pour quelques-uns, précipité la sortie des animaux, observe Didier Deleau, responsable de la recherche et du développement au service de l'élevage des chambres d’agriculture de la Moselle, de l'Alsace et de la Haute-Marne. À la fin d'avril, la production de 46 kg par hectare et par jour est dans la moyenne des années précédentes, poursuit-il. Les pluies du mois de mars, deux fois plus importantes que d’habitude avec 90 mm, sont salvatrices. Elles rattrapent les deux premiers mois de 2023, particulièrement secs. Aujourd’hui, 30 à 35 ares par UGB couvrent les besoins des laitières. Il n’est pas nécessaire de les complémenter. »
En Bourgogne-Franche-Comté, « les pluies sont bénéfiques, note la chambre d’agriculture dans son bulletin hebdomadaire, mais elle rend les sols moins portants. Chemins d’accès en dur, entrée séparée de la sortie, et temps de pâturage réduit (3 à 4 h) peuvent limiter la dégradation des prairies », conseille-t-elle.
Le creux d’été s’allonge
Fabien Bouchet-Lannat, de la chambre d’agriculture du Lot, insiste sur l’importance de miser sur la première coupe. « Les projections pour les décennies à venir sont une augmentation régulière de la température et une baisse des précipitations », explique-t-il. Ainsi, le Lot devrait perdre deux mois de pousse d’herbe. « Les fins de printemps seront plus chaudes et les sols s’assécheront plus tôt. Le creux d’été avec arrêt de la pousse devrait s’allonger progressivement pour atteindre une moyenne de 4 à 5 mois entre 2040 et 2050 en dessous de 400 m ! »