« On m’avait dit, vous êtes une femme, vous ne pourrez pas faire de la rurale. Vous faites de la rurale, vous ne pourrez pas avoir d’enfants. Vous avez des enfants, vous ne pourrez pas diriger un cabinet. » Tous ces prétendus obstacles, Estelle Cotton les a franchis avec l’énergie et la détermination qui la caractérisent. Aujourd’hui, elle est associée à parts égales avec Vincent, également docteur vétérinaire, à Boulay dans le centre de la Moselle.
Leur structure emploie dix personnes, quatre praticiens et six assistantes. L’activité est à 40 % sur la rurale, 60 % pour la « canine ». Dans quelque temps, un nouveau bâtiment verra le jour à côté de l’actuel. « Il sera plus grand avec une petite zone d’hospitalisation pour les veaux, précise Estelle. Nous pourrons les garder quelques jours, car ils sont fragiles et les soigner dans les élevages, ce n’est pas évident. » La jeune femme ne se fixe qu’une limite, les distances : « Tous mes clients sont au maximum à 30 minutes de route. Je refuse que nous passions trop de temps en voiture », argumente-t-elle, au volant de son utilitaire chargé de matériel et de médicaments.
Autant dire que les journées de cette maman de deux enfants de quatre et sept ans, dont le mari est agriculteur, sont bien remplies. À la maison, elle explique s’occuper de tout, intendance, papiers… Son seul temps libre est consacré à ses enfants.
Métier riche mais difficile
Estelle a remis l’humain au cœur de l’organisation du cabinet. « Lorsque j’y étais salariée, je faisais des heures à n’en plus finir. Avec mon associé Vincent, nous avons tout remis d’équerre. Le personnel doit prendre ses congés, les gardes sont bien réparties. Je travaille désormais un week-end sur quatre. » Le turn-over est tombé à zéro, avec des salariés qui se sentent bien dans une structure où ils se savent écoutés. Les clients ne sont pas en reste.
Mais Estelle sait se faire respecter pour ne pas se faire déborder : « Si un client arrive à 18h30, alors que j’ai passé une journée sans manger, je dis non. Les gens râlent, mais c’est comme ça. » Chez les éleveurs, la vétérinaire, dans sa grande blouse grise, a su s’imposer aussi et établir des relations de confiance. « Les agriculteurs ne sont pas toujours faciles de prime abord, estime-t-elle. Mais une fois que vous êtes entrée, c’est bon. De toute façon, une femme devra toujours en faire un peu plus qu’un homme. »
La vétérinaire dit regretter aussi que les étudiants ne soient pas formés aux difficultés de la profession, à la charge mentale qu’elle implique. « C’est un job qui fait rêver, mais on n’enseigne pas dans les écoles l’organisation, le relationnel, la gestion du personnel. Tout ce qui fait la richesse, la diversité, mais aussi la difficulté de notre métier. »