À la mi-décembre 2016, à l’approche de Noël, après plusieurs tests physiques et psychologiques, j’ai été recruté comme « mécanicien véhicule » par l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (1). J’ai décroché une mission d’un an à la station Dumont d’Urville, en Antarctique. Durant l’été 2017, alors que depuis trois mois, je m’habituais au froid et aux tempêtes, je devais ravitailler la base en carburant. Comme celle-ci est située sur une île, le bateau décharge directement le fioul dans les cuves.

Cette année-là, il restait pas mal de glace sur la mer et l’embarcation ne pouvait pas s’approcher. Alors, nous avons bricolé des flotteurs autour de la dameuse pour avancer sur la banquise, sans couler. Mais le matin du chargement, je ne faisais pas le malin ! Nous devions tirer de gros boudins de carburant avec la dameuse. J’entendais des « cracs » à chaque passage. Des fissures d’un mètre se produisaient avec l’eau en dessous. Et plus tu effectues de trajets, plus la glace casse… Le GPS nous aidait à ne jamais passer au même endroit. Quand j’y repense, c’était assez risqué !

Une autre fois, nous avons réalisé un raid de 1 000 km et 3 000 m de dénivelé pour approvisionner la base de Concordia, avec six tracteurs et deux dameuses. Quinze jours à conduire dans un désert de glace, sans aucune vie. Ce genre de raid t’apprend à être minimaliste ! Sur la base, nous avions également un tracteur John Deere, assez léger, avec des chenilles et une lame, et des Caterpillar, plus lourds. Nous protégions le moteur et l’huile avec des tapis chauffants, qu’il fallait brancher régulièrement, sinon c’était la panne assurée ! Et si tu as besoin d’une pièce en plein hivernage, c’est la débrouille !

« Cette formidable aventure humaine m’a fait grandir pour reprendre l’exploitation familiale. »

Cette expérience m’est profitable aujourd’hui quand je dois réparer du matériel sur mon exploitation. Le pire, c’étaient les « jours blancs » quand le vent balaye toute la neige, il n’y a plus aucun repère. Avec un collègue, nous avons mis plusieurs heures à rentrer alors que nous étions à 300 m de la station ! Avec le froid, la notion est très différente, tout est trois fois plus long. L’hivernage commence en février, les scientifiques partent jusqu’en octobre.

En 2017, nous sommes restés à 23 sur la base. Nous sommes devenus une grande famille. La semaine du 21 juin, le soleil ne se lève que 45 minutes par jour, c’est une semaine sabbatique. Nous organisions des soirées à thème et des activités pour casser la routine. Huit ans après, nous nous retrouvons toujours autour du 21 juin, en France ! Cette formidable aventure humaine m’a fait grandir pour reprendre l’exploitation familiale.

(1) En service civique.