« Le 5 août 2025, à 21 h 30, je reçois un coup de fil des pompiers qui me demandaient d’aller chercher mes chèvres dans la garrigue autour de Roquefort-des-Corbières (Aude). À la faveur d’un vent violent, le feu qui s’était déclaré à 16 h 15 à Ribaute approchait dangereusement de la commune. Le maire venait également d’être appelé pour regrouper les habitants au centre du village. Très vite, plusieurs personnes ont proposé leur aide. En pleine nuit, nous avons descendu en 30 minutes mon troupeau de 280 chèvres du Rove. Seul, je mets une heure et demie. Nous les avons regroupées sur le terrain de rugby. »
« Le débroussaillage a eu un effet coupe-feu immédiat »
« Nous étions au milieu de la fumée et des cendres, les pompiers et l’équipe municipale ont distribué des masques. C’était angoissant. À 5 h du matin, un camion de pompiers s’arrête à ma hauteur ; ils cherchaient à rejoindre le col. Je les ai accompagnés. Là-haut, je découvre une longue file de véhicules de pompiers avec d’un côté, notre village sain et sauf en contrebas, de l’autre les collines ravagées par le feu. Le commandant des sapeurs-pompiers vient à ma rencontre pour me remercier. « Grâce à la bande de garrigue broutée sur 50 m de large, nous avons pu accéder facilement pour faire front au feu, m’a-t-il dit. Et surtout, le débroussaillage a eu un effet coupe-feu immédiat. »
Au même moment, le vent a tourné et notre village a été épargné. Sur les 4 500 ha de garrigues de la commune, 500 ha ont brûlé. Au total, cet incendie a parcouru 17 000 ha dans le massif des Corbières. Le matin, la coopérative Arterris de Sigean m’a proposé 20 balles de foin pour nourrir mes chèvres. Nous les avons remontées le 8 août dans les collines tout près du village, au cas où une reprise du feu surviendrait. Au moment de l’évacuation d’urgence, j’ai perdu une chèvre mais je ne me plains pas, cela aurait pu être pire. »
« Nous avons créé un collectif de berger »
« Lors de la traditionnelle foire du village le 26 août, les bergers ont été mis à l’honneur. Soixante-dix étaient présents pour me soutenir et rappeler l’importance de débroussailler la garrigue qui est une véritable boîte d’allumettes. L’ONF et l’OFB (1) le refusent au nom de la biodiversité mais ces lois n’ont pas de sens face au risque accru d’incendie. Il y a quatre ans, le maire de Roquefort-des-Corbières s’est battu pour installer un berger afin de protéger sa commune. Depuis la catastrophe de cet été, nous avons créé un collectif de bergers et d’élus (2) afin que les députés proposent une nouvelle loi d’écopastoralisme. »
(1) ONF : Office national des forêts et OFB : Office français de la biodiversité (2) « Le collectif du 26 août » sur Facebook.