En ce beau matin d’été, Florence Bertheau s’est attelée tôt à l’ouvrage pour tondre les 150 brebis du troupeau de Romain Connan à Elven (Morbihan). Lorsqu’elle se lance, la jeune femme interprète une véritable chorégraphie. Le mouton maintenu en position assise entre ses jambes, les pattes avant repliées en arrière, elle démarre sa danse en respectant un ordre bien précis. La musique en fond sonore donne le tempo. Le geste est précis. Tout est dans la souplesse du poignet qui vient épouser les courbes de l’animal. Florence fait corps avec la bête.
À 30 ans, Florence est devenue « tonderesse » un peu par hasard. Elle préfère ce terme à celui de « tondeuse » qui rappelle trop l’outil à son goût. « Je travaillais dans le milieu équin et je me suis formée en ostéopathie animale », explique-t-elle. Arrivée en Bretagne il y a quelques années, elle envisage de s’installer en production de poules pondeuses bio, mais le projet n’aboutit pas. Elle trouve un emploi dans le domaine de l’écopâturage.
On apprend en tondant
« Comme nous avions un petit effectif de moutons, il n’était pas facile de trouver un tondeur. Donc je m’y suis mise à manier les ciseaux qu’on appelle les forces, raconte la jeune femme. Cela m’a beaucoup plu. » Florence se forme auprès de l’association des tondeurs de moutons (ATM). Elle y découvre la méthode néo-zélandaise Bowen permettant de tondre la toison en un seul morceau. « La coupe est très importante pour bien valoriser la laine auprès des lainiers et des matelassiers », assure la professionnelle.
En 2020, Florence se lance à son compte depuis son pied à terre près de Carhaix. Elle sillonne trois départements bretons, le Finistère, le Morbihan et les Côtes-d’Armor, de mars à la fin de septembre. Le reste du temps, elle travaille en intérim et s’occupe de son petit élevage familial de chèvres et de moutons. Son activité se développe crescendo : « Les premières tontes m’ont permis d’acheter du matériel pour ensuite investir dans un outil avec moteur suspendu à une potence, plus maniable. »
Payée à la tâche, la tonte est une action très technique, mais également physique. Le record de Florence : 100 brebis en une journée. « Pour tenir la cadence, de nombreux critères rentrent en ligne de compte : la race, le poids, l’alimentation… Ça va plus vite lorsque les animaux sont à l’abri et se réchauffent entre eux. »
Elle aime la relation de confiance qui se noue avec les éleveurs, le lien à l’animal mais craint aussi le risque de coupures ou même de blesser l’animal. Dans cette discipline, la formation n’est pas suffisante, l’important c’est l’expérience. « On apprend en tondant », aime à rappeler la tonderesse. La jeune génération qui arrive, notamment de femmes, profite de la transmission d’anciens tondeurs qui ont à cœur de former la relève. Dans le petit milieu de la tonte, le maître mot c’est l’entraide !