Son camion ? Émilie Proust ne le prête à personne… excepté à son mari. Bleu horizon, la bête — un Volvo FH — trône dans la cour de la ferme. Chaque année, cette fille d’éleveur, à la tête d’un troupeau de 500 mérinos d’Arles à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), achemine ses brebis ainsi que celles de ses collègues dans les alpages. Une seconde activité qu’elle a lancée en 2010. Quand la jeune femme parle de cet exode depuis les Coussouls de Crau direction la vallée du Queyras ou encore les montagnes de Savoie et de Haute-Savoie, ses yeux bleu gris s’illuminent. « La transhumance, c’est la vie ! », sourit-elle.

Un air de fête

Sa voix douce et son abord réservé contrastent avec la détermination qu’exige le chargement des troupeaux. « À 14 ans, je rêvais déjà de conduire une bétaillère », se souvient-elle. À 21 ans, elle décroche le permis poids lourd et super poids lourd avec la bénédiction de ses parents et de son maître d’apprentissage de l’époque, qui l’aide à financer les cours. Dans la région, elle est la seule femme à exercer ce métier. Ses pairs louent son professionnalisme.

Les départs s’échelonnent de la mi-mai au début de juillet. Les retours ont lieu en novembre. « Au printemps, nous partons tôt vers 4 ou 5 heures du matin, raconte la conductrice. Nous allons chercher les brebis dans les parcs. » Son camion comporte trois étages dans lesquels logent quelque 400 bêtes. Si le chargement ne prend qu’une vingtaine de minutes, il demande une bonne connaissance du comportement des animaux et de la dextérité. « C’est physique, mais je ressens peu la fatigue. Il y a toujours comme un air de fête. C’est un peu comme un départ en vacances ! », précise la transporteuse. Sur le trajet qui dure cinq heures, Émilie ne se lasse pas de la beauté des paysages.

Dans sa cuisine s’exposent des photos du col de Cormet de Roselend ainsi que celui de La Bonette, prises lors de ses déplacements. Le spectacle donne le vertige. Aguerrie à la conduite sur ces routes étroites et escarpées, elle a appris à anticiper les virages et à effectuer les changements de vitesse en souplesse car sa charge provoque du ballant. Quand elle croise des voitures, il lui arrive de descendre de son siège pour aider un automobiliste hésitant à manœuvrer. « Voir une femme, ça les apaise », plaisante-t-elle ! Au mois, de novembre cela fera 20 ans qu’elle roule. Ça se fête !