« Il y a quelques années, j’ai été contacté pour siéger au tribunal paritaire des baux ruraux de mon secteur, se souvient Arnaud Peytou, éleveur laitier à Tourtouse (Ariège). Cette instance est présidée par un juge, assisté par deux représentants des bailleurs et deux représentants des preneurs. Moi, je siégeais pour ces derniers. Je savais que ce tribunal existait, mais j’ignorais tout de son fonctionnement. »

« Tous les deux mois environ »

« La première fois que j’ai été convoqué, c’était en début de mandat pour prêter serment avec les autres assesseurs. Nous nous sommes avancés à la barre à tour de rôle, c’était un peu impressionnant. Par la suite, j’ai été appelé tous les deux mois environ. Il y avait parfois jusqu’à dix affaires dans l’après-midi. En général, il s’agissait de propriétaires qui voulaient retirer leurs terres aux preneurs en prétextant un mauvais entretien des parcelles, ou un défaut de paiement des fermages. »

« Durant les audiences, nous étions assis de part et d’autre du juge, décrit Arnaud Peytou. On ne devait pas s’exprimer, ni manifester d’émotions. Ensuite, lors des délibérés, le juge nous réunissait dans son bureau pour avoir notre sentiment sur les affaires. Une fois, par exemple, il a demandé une expertise supplémentaire à la suite d'une intervention de notre part. En vérité, je n’ai pas souvent eu l’impression de servir à grand-chose, car il y avait généralement un texte de loi qui indiquait comment trancher le litige. Mais c’était très intéressant de découvrir le fonctionnement de l’institution de l’intérieur. »

« Pas mal d’affaires se terminaient par une médiation »

« J’ai vu des condamnations qui font réfléchir, comme celles de gens, souvent des bailleurs, qui avaient saisi le tribunal de façon infondée et ont dû payer des indemnités. J’ai aussi constaté que pas mal d’affaires se terminaient par une médiation, lorsque le conflit s’avérait en fin de compte peu important. Une fois, l’avocat d’un preneur est arrivé en tenant à la main le chèque des fermages impayés. L’affaire s’est arrêtée là, mais le juge a joliment sermonné l’agriculteur – présent dans la salle – d’avoir attendu l’audience pour s’acquitter de sa dette. »

« L’attitude des avocats m’a marqué, ajoute Arnaud Peytou. Ils ne nous saluaient jamais, nous les assesseurs, comme si nous n’existions pas. Neuf fois sur dix, ils demandaient un report de l’affaire car ils n’avaient pas eu le temps de lire les conclusions de la partie adverse. J’ai eu le sentiment qu’ils ne prenaient pas cette justice rurale très au sérieux. »