Attablé dans sa maison de Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne), c’est avec sérénité que Lionel Ferrère, 60 ans, évoque son parcours pourtant semé d’embûches. « Je crois beaucoup au concept de résilience », sourit-il avec douceur. Installé avec ses parents en 1980, puis associé avec sa femme Françoise, l’éleveur se souvient : « Les choses se sont compliquées en 2010, avec la première crise du lait. Pour faire face, nous avons poussé notre troupeau de prim’holsteins au maximum de ses capacités. On ne se levait que pour traire et distribuer de l’ensilage de maïs. Il y a du stress, des douleurs musculaires, des pertes d’appétit… le corps parle, mais on ne l’écoute pas. On croit toujours que ça va aller mieux. »

Sortir du piège et changer ses pratiques

En 2012, à la faveur d’une rencontre avec un spécialiste de la nutrition animale, c’est le déclic. « Il m’a fait prendre conscience que nous étions pris au piège, qu’il fallait changer nos pratiques. Nous avons alors décidé de faire appel à la justice, pour reprendre le contrôle face aux créanciers. » Lionel et Françoise obtiennent le gel de leurs dettes pendant 18 mois. L’éleveur peut enfin souffler, prendre le temps de réfléchir, de « réhumaniser le travail ».

« Je suis là pour encourager, rappeler que rien n’est jamais perdu. »

En 2014, il a l’occasion de partager cette expérience grâce à une opération de la MSA, qui collecte des témoignages d’agriculteurs sur le thème du mal-être. Il devient aussi membre du Comité d’orientation et d’accompagnement des agriculteurs fragilisés (Coaaf) de la Haute-Garonne, en tant que représentant de la Confédération paysanne.

Et depuis deux ans, il est bénévole pour Solidarité Paysans, un réseau de soutien aux agriculteurs en difficulté (lire l'encadré). Sa mission : aider à reprendre confiance, sans jugement. « Je suis là pour recevoir leur parole, les amener à dire ce dont ils ont envie. C’est un moment d’échange, où l’agriculteur reste celui qui fait et qui décide. Moi, j’aime juste encourager, rappeler que rien n’est jamais perdu. »

Désormais à l’orée de la retraite, Lionel va passer les rênes à l’un de ses fils. Il a la tête pleine de projets, notamment entreprendre des recherches sur l’histoire de sa région. « Il faut être curieux, s’autoriser à sortir de chez soi, oser parler si on est dans la galère. Dans le milieu agricole, les personnes cachent souvent leurs difficultés. » Pourtant, le bénévole en est convaincu : briser l’omerta, c’est déjà trouver des solutions.