"En août 2020, j'ai quitté l'entreprise automobile dans laquelle j'étais ingénieur depuis 5 ans. Le Covid a été le déclic, une sorte de goutte d'eau. Avec ma compagne, nous vivions à Paris et nous nous sommes confinés chez mes parents, qui ont un grand jardin. Nous avons voulu nous lancer dans un potager, dans un désir d'autonomie qu'on n'a jamais atteint.

L'autre déclic a été le travail à distance, déshumanisé : toute la journée devant un écran, c'était trop. En réalité, avant même le Covid, je trouvais qu'il fallait davantage répondre aux enjeux d'écologie et d'inégalités sociales. Et moi, j'exerçais un boulot très procédurier, où je traitais 100 courriels par jour : ça n'avait plus de sens. J'étais malheureux, triste. J'ai cherché à changer d'emploi, mais pour quoi faire ? J'ai eu des moments d'incertitude, de doute...

"Je travaille deux fois plus, je gagne deux fois moins"

Alors, je me suis progressivement tourné vers le maraîchage, peut-être parce que mes grands-parents étaient agriculteurs dans l'Ain. Ils m'ont toujours dissuadé de prendre leur suite. Mais quand je me suis posé la question : « Qu'est-ce que je pourrais faire d'utile ? », j'ai voulu retourner à la base, nourrir les gens. C'est sûr que c'était un changement difficile, il fallait quitter une situation de confort, se couper d'une partie des collègues et des amis, pour un métier qui n'est pas très bien valorisé aujourd'hui.

Trop physique et ennuyeux ?

Bien sûr, j'ai douté, je me demandais si je n'étais pas trop idéaliste. Donc, j'ai pris le temps de chercher, de me former. Au fil des stages et des rencontres, je me suis rendu compte que je voulais être maraîcher bio et travailler dans une ferme collective. J'avais des craintes qui étaient celles d'un titulaire d'un bac + 5 : est-ce que ce ne serait pas trop physique et est-ce que je ne m'ennuierais pas intellectuellement ?

Physiquement, on s'y fait, et intellectuellement, il y a plein de choses à apprendre, à observer. Je suis arrivé ici, à la ferme Biotenga dans l'Aveyron, par hasard. Et je suis resté : je suis désormais associé. Maintenant, c'est une autre angoisse : celle de la gestion, des investissements, des ventes. Finalement, je travaille deux fois plus, je gagne deux fois moins et il y a, en plus, le stress de la gestion. Mais je me sens à ma place."