« Le 18 juillet dernier, en début d’après midi, il faisait une chaleur écrasante, le thermomètre frôlait les 41°C. Je m’affairais auprès des vaches pour m’assurer qu'elles supportaient bien la canicule. Mon collègue, Serge Quefelean (à droite sur le dessin), producteur de porcs sur la commune m’a averti par SMS qu’il apercevait une colonne de fumée au loin. Avec le vent qui soufflait ce jour-là, l’incendie se propageait très vite dans les landes. En une demi-heure, c’était déjà devenu un important panache de fumée. Nous ne pouvions pas rester sans rien faire. À ce moment-là, on pense à protéger nos familles, nos exploitations, nos villages. Nous sommes attachés à ces paysages si particuliers des monts d’Arrée.

Ma première réaction a été de téléphoner au maire de Commana pour l’avertir que nous nous tenions prêts pour intervenir avec nos tonnes à lisier remplies d’eau. Celle de Serge a une capacité de 16 000 litres et de mon côté, je pouvais récupérer celle de 10 000 litres de la Cuma. De coups de fil en SMS, d’autres d’adhérents de la Cuma et des agriculteurs des alentours ont proposé leur aide. Nous nous sommes retrouvés avec 22 matériels sur le premier feu. Le maire a pris en main la coordination avec les pompiers.

Nous avons d'abord noyé les lisières en bordure de routes pour ralentir la propagation du feu. On a joué les « MacGyver » pour bricoler les sorties de nos engins afin d’arroser sur le côté. Nous avons également approvisionné les hommes du feu en eau en pompant dans le lac du Drennec et celui de Brennilis.  Une tonne permet de pomper 25 m3 en 5 minutes alors qu’il en faut 15 à un camion pour récupérer seulement 14 m³.

« Nous nous sommes surnommés les canadairs bretons, sans les ailes mais avec nos tonnes »

Nous sommes rentrés à 6 h 30 du matin mais dès 7 h nous étions rappelés. Par deux fois, nous avons vu le feu de près. Mais à l’exemple des pompiers, avec mon copain Serge nous partions toujours ensemble avec nos engins et nous assurions de revenir à deux.

Jamais je n’aurais imaginé que l’incendie dure jusqu’au 15 août. À chaque fois, les reprises étaient plus violentes. Nous avons passé près de 100 heures chacun sur le feu, avec une interruption pour faire les moissons. Heureusement, nous avons pu compter sur nos épouses, nos parents et des collègues pour assurer le travail sur nos fermes.

L’incendie a détruit près de 2 000 ha.  Au total, plus de 200 tonnes ont participé. Des agriculteurs des départements voisins ont prêté main-forte. Le monde agricole a fait preuve d’un véritable élan de solidarité. Nous nous sommes surnommés les canadairs bretons, sans les ailes mais avec nos tonnes à eau. Les pompiers nous ont remerciés chaleureusement. Ils ont apprécié notre connaissance des lieux pour les guider sur le terrain. La population a aussi été très reconnaissante. Les gens venaient nous ravitailler en casse-croûte lors des opérations. Pour une fois, le regard sur les tonnes à lisier a changé ! »