Derrière la porte en bois de la dépendance, le portrait officiel de Staline côtoie un couteau Hmong et une tenue mortuaire islamiste. Des photos des conflits aux quatre coins du monde ornent les murs. L’atelier de Grégoire Deniau n’a rien d’une grange de paysan. Et pourtant…
Baroudeur incontesté, ce grand reporter a posé ses valises dans le Loir-et-Cher, à Cour-Cheverny, il y a huit ans. La maison familiale, qui date du XVe siècle, est entourée de 4 ha de vigne, 10 ha de prairie et 15 ha de forêt. À l’époque, le journaliste paraphrase Jacques Séguéla. « Si, à 50 ans, on n’a pas de salers, on a raté sa vie. » Le jour de son anniversaire, les vaches arrivent. Le réalisateur devient éleveur. Sept à huit bêtes rustiques paissent dans un pré « au naturel », sans bâtiment. « J’aime les salers car ce sont les seules mères qui ont besoin de leur veau pour débuter la traite. Elles me rappellent mon enfance dans les estancias de Bolivie et du Paraguay. » L’éleveur se passionne peu à peu pour la génétique, devient membre du herd-book salers et vend des taureaux pour la sélection.
« J’ai changé onze fois de voiture pour rejoindre Kaboul. »
À 58 ans, il alterne son métier d’agriculteur et ses reportages de guerre. « Un documentaire de 52 minutes nécessite environ deux ans de travail, dont dix à quinze jours à l’étranger. Également journaliste, ma femme, aidée par nos voisins, prend le relais pour les animaux. Je dois tourner à Mayotte prochainement mais je ne partirai qu’après les vêlages », explique Grégoire, de sa voix grave et posée.
Filmer les rebelles et les minorités
Le reporter a couvert de nombreux conflits, en particulier la rébellion islamiste. « J’habitais à Bagdad, en Irak, depuis un an quand les Américains ont bombardé la ville en 2003. Je me suis retrouvé à filmer les attaques du côté irakien et à secourir le chef rebelle, alors que les autres journalistes étaient de l’autre côté du pont. L’information s’est diffusée très vite dans les milieux islamistes et, quelques années plus tard, cela m’a permis de vivre en immersion trois semaines avec les Talibans », raconte le journaliste, avec des détails dignes de la série « 24 heures chrono » : « J’ai changé onze fois de voiture pour rejoindre Kaboul et attendu longtemps pour récupérer ma caméra. » Indépendant, Grégoire Deniau a travaillé pour de nombreuses chaînes de télévision (TF1, France 2, LCI, France 24…), mais il aime se présenter comme « journaliste stagiaire ». « Dans ce métier, on apprend toujours, comme en agriculture. »