«C’était le 30 novembre 2015, dans la province de Fianarantsoa, à Madagascar. Je participais à un voyage d’étude avec l’Afdi (Agriculture français développement international ) sur cette île, que je découvrais pour la première fois. Avec un autre jeune agriculteur, nous venions d’aider Théo, le paysan qui nous accueillait durant un jour et demi, à mettre à l’abri, sous sa grange-étable, des haricots et du ray-grass récoltés l’après-midi.

Vers 17 h, l’arrivée brutale d’un petit cyclone nous a obligés à nous réfugier dans la maison. Au bout d’un quart d’heure, nous avons pu ouvrir les volets et avons découvert, sous une pluie battante, la catastrophe : le hangar était tombé à terre et plusieurs vaches étaient coincées dessous. Ensemble, nous avons réussi à soulever le toit en bois d’eucalyptus et à sauver les animaux.

Je n’avais jamais vécu un tel cyclone. Mais c’est surtout l’attitude de Théo qui m’a marqué. Gardant le sourire, il est toujours demeuré calme et optimiste face à cet événement ! Pourtant, dans cette brousse, les agriculteurs vivent sans eau courante ni électricité, et bien sûr sans assurance… Un tel désastre signifiait pour Théo et sa famille de tout reconstruire lui-même (j’ai appris qu’il n’a pu le faire que mi-2016).

Une philosophie de vie

Ce soir-là, à aucun moment, cet éleveur de huit vaches ne s’est montré abattu, comme on peut l’être en France même pour des détails.

Comme ils l’avaient prévu, Théo et sa femme sont ensuite partis dormir en ville pour laisser… l’unique chambre de leur maison à notre disposition ! Leur façon d’envisager la vie est bien différente de la nôtre. Je l’ai constaté au long de ces deux semaines de déplacements de Tananarive jusqu’au sud-ouest de l’île. Les agriculteurs malgaches vivent dans le dénuement. Nos niveaux de vie ne peuvent pas être comparés. Ils subissent en outre le changement climatique de plein fouet, avec une saison des pluies très raccourcie. Mais contrairement à nous, ils prennent le temps de vivre, n’hésitent pas à marcher pour aller voir leur voisin et discuter. Leur volonté de faire évoluer les choses ensemble est forte, ils se mobilisent pour créer des coopératives comme la fromagerie que préside Théo. Alors qu’ici, l’individualisme grandit. Pourtant, en prenant du recul sur nos situations respectives, il est clair que nous pourrions agir davantage comme eux. »