Romain Poureau s’est installé seul, à Gillonnay, en Isère, mais il est toujours très entouré dans sa ferme. À l’entrée, des panneaux invitent les conducteurs de véhicules à la vigilance. Car du lundi au vendredi, de jeunes adultes atteints de handicaps vont et viennent sur le site, s’affairant sous l’œil d’une éducatrice employée par le « Bercail paysan ». Cette association propose, à des personnes souffrant d’autisme ou de handicap mental, un service d’accueil en journée tourné vers les activités agricoles (1).
Accueil en journée
En reprenant cette structure louée à Terre de liens, en janvier 2020, Romain a accepté l’aventure. Ancien inséminateur, il souhaitait s’installer n’importe où en France, avec un projet de diversification et vente directe. « Je voulais une exploitation atypique, un coup de cœur », souligne le jeune homme de 31 ans. Atypique est le bon mot : « C’est la seule ferme qui fonctionne ainsi en France, affirme Raymond Riban, le cédant et l’un des trois fondateurs du Bercail. On n’avait aucune expérience à laquelle se référer. »
Une multitude d’activités
L’appui du département et le coup de pouce d’un incubateur social ont permis de lancer cette activité inédite. « Les personnes handicapées sont habituées à recevoir des soins. Là, elles soignent les bêtes, reprend Raymond. Romain a fait le choix de ne pas mécaniser certaines tâches pour que le public accueilli les effectue. Cela remet du social dans l’agriculture. »
Les occupations ne manquent pas dans cet élevage bio qui compte 200 brebis, 250 poules pondeuses, quelques cochons et lapins de chair, sur 52 hectares. « Mes hôtes touchent à tout : donner le biberon aux agneaux, distribuer du grain aux poules, ramasser les œufs, fabriquer du pâté…, détaille le jeune agriculteur. Mais je ne fais pas d’accueil pédagogique : moi, je vends des produits agricoles. Je me contente de mettre l’espace à disposition. J’ai signé une convention avec l’association pour fixer des consignes de sécurité. Il n’y a cependant aucun échange d’argent : je ne suis pas rémunéré et je ne paie pas pour les services rendus. »
Les règles continuent à évoluer au fur et à mesure. « Toutes les décisions sont prises de manière collégiale, explique Romain. Les zones à risque sont interdites et les activités sont compatibles avec les compétences des personnes reçues. Certaines font parfois de légères boulettes mais, en deux ans, on n’a jamais eu ni problème ni blessure. »
S’il n’est pas toujours simple d’accepter d’avoir en permanence du monde chez soi, l’éleveur se réjouit de donner corps à des mots comme « rassembler » et « solidarité ». « L’association a embauché trois éducateurs grâce à la ferme : si les jeunes accueillis s’épanouissent et qu’on peut générer des emplois, on n’est pas là pour rien. »
L’Isérois d’adoption, qui « déteste les gens qui se plaignent sans arrêt », conclut : « Agriculteur est un beau métier ! »
Bérengère Lafeuille
(1) Plus d’infos : lebercailpaysan.fr