Dans le port de Portsall (commune de Ploudalmézeau, dans le Finistère), seule l’ancre de l’Amoco Cadiz rappelle la catastrophe écologique mais, quarante ans après, son nom résonne encore dans toutes les têtes. Moins connu est le formidable élan de solidarité des paysans venus pomper le mazout dans les jours qui suivirent.
Le 16 mars 1978 au soir, le pétrolier s’échouait sur les rochers en face de Portsall. Jo Patinec, quatre-vingt-quatre ans, ancien directeur de la MFR (1) et adjoint au maire à l’époque, s’en souvient comme si c’était hier : « Nous avons été réveillés par une odeur de fioul, âcre, qui gratte la gorge. »
Le lendemain, les riverains découvrent le désastre. L’atmosphère est lourde. Les oiseaux sont pris au piège dans le mazout. Quelque 230 000 tonnes de pétrole se sont déversées. Porté par les vents et les courants, l’hydrocarbure a souillé 400 kilomètres de littoral, jusqu’aux Côtes-d’Armor.
Le combat n’a pas été vain
« Alphonse Arzel, maire de Ploudalmézeau, m’avait chargé de coordonner les bénévoles devant l’affluence de bonnes volontés qui arrivaient de France et de l’étranger, souvent la fleur au fusil », raconte Jo Patinec. Paysan et président de la chambre d’agriculture, le premier magistrat fait appel aux agriculteurs, notamment aux producteurs de porcs qui disposent de tonnes à lisier. Ceux-ci, sous la houlette de leurs instances professionnelles, se sont rapidement organisés, par secteur géographique, pour venir pomper le fioul et se relayer. Les éleveurs des cantons éloignés devaient se lever très tôt, compte tenu des marées. Ils ont travaillé dans des conditions difficiles, car la tempête a persisté pendant quelques jours.
« Les épandeurs n’avaient pas la capacité de ceux d’aujourd’hui, guère plus de 2 à 4 m3 », précise l’octogénaire. Durant une dizaine de jours, les agriculteurs ont pompé le pétrole, le temps que l’Administration et l’armée s’organisent pour prendre la relève. La mécanique a souffert avec le sable. « Il faut saluer le monde agricole », souligne Jo Patinec.
Agriculteurs, marins, habitants, bénévoles, pompiers, militaires… Le combat de tous n’a pas été vain, puisqu’il a permis la modification du rail d’Ouessant, pour éloigner les navires de la côte, la création du dispositif de surveillance Cross Corsen et la mise en service du remorqueur d’assistance Abeille Bourbon.
(1) Maison familiale et rurale.