«La fécule est une culture qui me plaît, explique, Marc Hossart, agriculteur dans la Somme. Quand je me suis installé, en 2004, mon père en produisait déjà depuis dix ans. C’est une culture un peu plus délicate à conduire que les betteraves sucrières, par exemple, et qui nécessite plus d’attention, mais lorsqu’on travaille bien, le résultat est au rendez-vous. » Il n’est donc pas surprenant que lorsque la coopérative féculière qui livre ses pommes de terre à l’usine Roquette de Vecquemont, dans la Somme, lui a proposé des surfaces supplémentaires, Marc n’a pas hésité.

Les soubresauts des aides

« Je venais d’arrêter le lait et j’étais à la recherche de cultures rémunératrices, indique-t-il. J’ai décidé de doubler mes surfaces de fécule, et d’essayer le lin textile. » En plus des céréales, Marc Hossart produit des betteraves et du maïs fourrage. Il avait implanté 6 ha de colza à l’automne, qu’il a été contraint de retourner et de remplacer par des pois protéagineux d’hiver.

Il a décidé d’investir davantage dans la production de pommes de terre fécule, malgré les soubresauts rencontrés par la culture ces dernières années. Elle bénéficiait d’une aide couplée d’environ 1 000 €/ha, qui a été intégrée dans les DPU des exploitations en 2010. L’année suivante, les agriculteurs pouvaient arrêter la fécule, sans voir leurs DPU baisser. « Pour éviter la disparition de la production, Roquette et la filière ont entrepris un important travail de recherche et développement, et de conquête de nouveaux débouchés », souligne Marc.

Par rapport aux amidons de maïs et de blé, la fécule présente des spécificités qui la rendent incontournable pour certains débouchés. Elle est aussi exempte de gluten. « Avant 2010, la fécule était destinée à 70 % au non-alimentaire, poursuit-il. Aujourd’hui, les créneaux alimentaires, nutrition et santé, représentent entre 65 et 70 % des débouchés. »

Pendant ce temps, le prix des pommes de terre payé aux producteurs est passé de 35 €/t à 60 €/t. Les agriculteurs se sont mobilisés. Certains ont accepté de stocker une partie de leur production pour permettre d’allonger les campagnes. Sur les 800 tonnes que Marc prévoit de produire cette année, il va en stocker 300 jusqu’à début janvier, dans un bâtiment simple, avec ventilation succincte. Le stockage apporte une prime de 10 €/t, début janvier, à 14 €/t, fin février. Depuis deux ans, la production bénéficie à nouveau d’une aide couplée, qui s’est élevée à 365 €/ha en 2014, mais à seulement 85 €/ha en 2015 et 2016. Les négociations sont en cours pour les années suivantes.

L’agriculteur réserve ses meilleurs limons aux pommes de terre fécule. Le rendement oscille, selon les années, entre 50 t et 60 t/ha. Il peut produire des betteraves et du blé dans toutes ses parcelles, avec un potentiel pour les betteraves de 85 à 90 t/ha et, pour le blé, de 90 à 100 q/ha.

Contenir les charges

« Le chiffre d’affaires des fécules est nettement moins élevé, il faut vraiment jouer serré et bien maîtriser les charges », ajoute Marc. Le recours à la Cuma pour l’ensemble des travaux, sauf la pulvérisation et les apports d’engrais, lui permet de contenir les charges de mécanisation.

Côté intrants, les plants, dont la production est gérée par Roquette, reviennent moins cher qu’en consommation. L’exploitant s’appuie sur l’outil d’aide à la décision Mileos pour limiter les interventions antimildiou, mais il a dû intervenir à quatorze reprises en 2015, car le cycle des pommes de terre fécule est long. Plantées en général début avril, elles sont récoltées entre début septembre et fin octobre. Adepte, pour les autres cultures, du bas volume et de la protection intégrée, le jeune agriculteur a cependant un regret avec les pommes de terre : il a du mal à réduire les IFT (indice de fréquence de traitements). Ceci l’empêche de souscrire aux mesures agro-environnementales, MAE, proposées dans son secteur. Son exploitation se trouve à 2 km des sources de la rivière de l’Authie.

Côté résultats financiers, avec une marge, mécanisation spécifique déduite, proche de 2 066 €/ha en 2014, et de 1 545 € en 2015, la pomme de terre fécule est la culture la plus rentable de l’exploitation, devant les betteraves sucrières et, surtout, les céréales. « La culture fait vivre localement toute une filière, ajoute Marc Hossart. C’est une autre source de satisfaction ! »