Au grand dam des ONG écologistes, la Commission européenne a proposé à la mi-mars d’assouplir, voire de supprimer, une partie des stricts critères « verts » que la nouvelle politique agricole commune (2023-2027), entrée en vigueur l’an dernier, impose aux exploitations.

Réclamées par les États face à la colère agricole qui balaye le continent depuis deux mois, ces révisions législatives doivent désormais être négociées et approuvées formellement par les États membres et eurodéputés. Et cela d’ici à la fin d'avril, avant la trêve précédant les élections européennes de juin.

« Accélérer les travaux sur les solutions possibles »

Le sujet s’est invité la semaine dernière au sommet des dirigeants des Vingt-Sept : dans leurs conclusions, ils ont appelé à « accélérer sans délai les travaux sur les solutions possibles à court et moyen termes, visant à réduire la charge administrative ».

« Agriculture, pacte vert et industrie doivent fonctionner de concert. Ce n’est pas l’un ou l’autre, il s’agit d’appliquer le pacte vert de sorte qu’on puisse garder une agriculture robuste », a insisté vendredi le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante de l’Union européenne.

Ce 26 mars 2024, les ministres débattront des mesures proposées par Bruxelles. Selon une source diplomatique, la majorité qualifiée requise existe déjà parmi les États, pour un texte « sans changement substantiel » par rapport aux propositions.

Propositions de la Commission

Après une suspension temporaire pour 2023 puis 2024, Bruxelles propose notamment de supprimer complètement l’obligation de laisser au moins 4 % des terres arables en jachères ou surfaces non productives (haies, bosquets, ou encore mares). Parmi les autres mesures de la conditionnalité fustigées par les organisations agricoles qui les jugent impraticables face aux aléas climatiques : l’obligation de rotation des cultures, que remplacerait une simple « diversification ».

Les législations environnementales de l’Union européenne entrant en vigueur après 2025 n’auraient plus à être traduites dans la Pac. Et en cas d’épisodes climatiques extrêmes, les États seraient libres d’introduire des dérogations pour éviter que les agriculteurs encourent des pénalités. Enfin, la Commission européenne propose d’exempter de contrôles et pénalités liés aux règles environnementales les exploitations de moins de 10 hectares.

« Un pas dans la bonne direction » pour le Copa-Cogeca

Le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, a salué dans une lettre aux ministres « un pas dans la bonne direction […] apportant plus de flexibilité et prenant en compte les spécificités locales », tout en réclamant « des éclaircissements et ajustements ».

Il se félicite par ailleurs du blocage depuis plusieurs semaines, au niveau des États membres, de la législation « restauration de la nature » visant à réparer les écosystèmes abîmés, y compris en milieu rural. Il la juge « mal conçue, mal financée » et insuffisamment évaluée.

Maintenir la pression

Soucieux de maintenir la pression, le syndicat wallon Fugea et la coordination agricole alternative internationale Via Campesina prévoient de faire défiler quelque 300 tracteurs dans les rues de Bruxelles.

« Les propositions sont insuffisantes pour s’attaquer aux causes profondes » du malaise agricole, indiquent-ils dans un communiqué. Ce dernier dénonce « des réponses inadéquates aux revendications sur les revenus des agriculteurs », les « pratiques déloyales » de l’industrie agroalimentaire et réclame « la fin aux accords de libre-échange ».

Un « retour en arrière » pour les ONG

À l’inverse, dans une lettre commune, 16 ONG environnementales, dont WWF, Greenpeace ou ClientEarth, ont appelé lundi 25 mars la Commission à « retirer sa proposition législative ». Elles qualifient cette proposition de « retour en arrière » susceptible de dégrader les écosystèmes et « ne faisant ainsi que saper les emplois que la Pac est censée soutenir à long terme ».

Surtout, elles se disent « consternées » qu’une telle proposition législative ait été élaborée « en moins de trois semaines […] sans analyse d’impact préalable ni consultations significatives des parties prenantes » à rebours des règles de l’Union européenne.

L’accord récent pour reconduire l’exemption de droits de douane à l’Ukraine tout en plafonnant les importations de certains produits agricoles n’est pas officiellement à l’agenda de la réunion ministérielle du 26 mars. Relevant des ministres du Commerce, il devrait être examiné le 27 mars au niveau des ambassadeurs des Vingt-Sept.