Didier Dubosclard n’a pas besoin de regarder son planning pour donner la date du début des luttes de ses 600 brebis. Installé à Magnat-l’Étrange (Creuse), il a défini trois périodes. Chacune d’elles commence toujours à la même date (les 25 mars, 1er juillet et 1er novembre), et elles durent 45 jours, sans jamais déborder. Le but étant de maîtriser sa charge de travail.
Titulaire de nombreux mandats (président de la FDO, vice-président du syndicat des eaux de la Rozeille, adjoint au maire…), l’exploitant entend aussi prendre sereinement des congés et profiter de sa famille. La programmation précise d’un maximum de ses tâches lui permet de garder la maîtrise de son emploi du temps.
Conduite du désaisonnement
Son système repose sur la conduite des brebis de race rustique (limousine) dotée d’aptitudes au désaisonnement et valorisant bien les terrains humides de l’exploitation. Chaque lutte est prévue pour concentrer les agnelages sur un mois. La première période de mise bas se déroule de la fin d'août au début de septembre pour vendre les agneaux à Noël, quand les prix se redressent. « Pendant cette période, je ne prévois aucun autre chantier, explique Didier Dubosclard. C’est en partie la raison pour laquelle j’ai abandonné la culture des céréales. » Assurer la moisson tout en surveillant les naissances se révèle compliqué, alors que le potentiel de rendement des céréales reste faible.
Cette période d’agnelage-là implique une mise à la reproduction « désaisonnée ». La lutte naturelle est toujours précédée d’une phase d’une quinzaine de jours lors de laquelle les femelles sont mises en contact avec un bélier vasectomisé afin de provoquer la venue des chaleurs. Les mâles reproducteurs prennent ensuite le relais dans les lots de brebis du 25 mars au 1er mai pour le premier lot. Résultat les mises bas des 140 brebis sont bien groupées. Le taux de fertilité observé oscille entre 85 et 90 %.
Pour l’agnelage d’automne (15 novembre au 15 décembre), les luttes se déroulent du 1er juillet au 15 août. C’est le lot le plus « délicat » car il cumule le handicap de la contre-saison et celui de la « jeunesse » puisqu’il est composé d’agnelles (70 à 80) nées en août septembre de l’année précédente et d’antenaises (70 à 80). « Je pose un implant de mélatonine sur une cinquantaine de jeunes femelles », explique Didier Dubosclard. Le rôle de l’hormone est de simuler le raccourcissement des jours favorables à la reproduction des ovins. Le retour en chaleur d’une partie des femelles suffit à stimuler le cycle des autres. Cette pratique limite les frais, car l’implant coûte environ 7 €.
La troisième période d’agnelage a lieu au printemps, après une lutte programmée en pleine période sexuelle (du 1er novembre au 10 décembre) sur des repousses. Après chaque période de reproduction, des échographies sont planifiées. Cela permet de donner une dernière chance aux femelles non gestantes ou de les réformer rapidement pour maintenir une bonne productivité. Pour chaque période, l’effectif est divisé en trois lots. La prolificité est variable selon les périodes. « Elle s’établit autour de 1,2 pour les agnelages d’août à septembre, entre 1,4 et 1,5 pour les suivants, et entre 1,7 et 1,8 pour ceux dont la lutte s’effectue en pleine période sexuelle, explique-t-il. Plus la prolificité est importante et plus le travail autour des mises bas est important. »
Peu de mortalité
Résultat, dans ce contexte « maîtrisé », les performances sont satisfaisantes et régulières. « Le taux de mortalité des agneaux, autour de 12 %, est deux fois moins élevé que la moyenne des élevages du département », explique Julien Vaisset, technicien à la chambre d’agriculture de la Creuse. Trois semaines avant l’agnelage, les brebis entrent en bergerie pour recevoir une ration adaptée à leurs besoins qui augmentent. Elles sont également tondues pour faciliter la surveillance. Comme pour les échographies, elles sont conduites dans l’espace de contention, qui est l’un des points clés de l’élevage.
Les mises bas ont lieu par petits lots d’une dizaine de brebis. « La rusticité de la brebis limousine est déterminante pour la réussite sur système. Le désaisonnement naturel, les qualités maternelles et le savoir-faire de l’éleveur permettent d’atteindre une productivité numérique de 120 % », souligne Julien Vaisset.