« Citez-moi un autre métier qui n'a pas de moyen de protection ! », s'exclame Mar Clotet, bergère depuis cinq ans sur l'estive d'Arréou, à Seix, en Ariège. « On se sent en danger », témoigne-t-elle, aux côtés de Pere Fernandez, lui aussi berger de jour, et de Fabrice Menet, qui officie la nuit.
Ils insistent : « L'ours s'approche de plus en plus souvent près des hommes. Il attaque les brebis même quand on n'est pas loin. » Les expériences marquantes s'additionnent. La dernière concerne Mar : « Comme il faisait du brouillard, on a rassemblé les brebis. Tout à coup, les chiens de conduite se sont tétanisés, les cloches des brebis se sont arrêtées. J'ai entendu un grognement, je pense qu'il était à 15 mètres de moi. »
« Je le sens plus agressif »
La nuit, Fabrice Menet est plus prudent qu'auparavant. Lui qui dort dans une cabane à côté du troupeau, témoigne : « Quand j'entendais bouger l'année dernière, je n'hésitais pas à aller dans le troupeau pour faire fuir l'ours. Cette saison, je le sens plus méchant et agressif. Je le vois au comportement des brebis, elles sont en panique. »
Résultat : 43 brebis prédatées sur un troupeau de 1 720 ovins, sans compter les avortements, les brebis blessées qu'il faut parfois euthanasier, et celles qui « profitent moins ».
« On angoisse non seulement pour les bêtes, mais aussi pour nous. On est désarmés », poursuit Fabrice Menet. Pour faire face au prédateur, ils ont un pistolet à pétards à double détonation et... leur voix. La bergère ajoute : « Je ne pense pas qu'il nous attaquerait, mais il peut y avoir un accident, surtout si on se trouve entre l'ourse et son ourson. »
« On aime la faune sauvage, insiste Mar Clotet. On ne veut pas tuer les ours. Mais que l'Etat nous donne des moyens. » S'ils sont encore laissés seuls face à l'ours, les bergers s'interrogent : ils reviendront peut-être travailler sur cette estive l'année prochaine... mais après ?