Le samedi 10 juin 2023, 3 000 personnes et 250 tracteurs ont défilé dans les rues d’Aurich, une bourgade de 40 000 habitants dans le nord-ouest de l’Allemagne. Objet de leur colère : les loups et leurs attaques contre les moutons de cette région côtière. Sur l’année 2022-2023, plus de 300 attaques ont été recensées dans tout le Land de Basse-Saxe auquel appartient ce territoire. 900 bêtes ont succombé. Le total national sur 2021-2022 avait atteint près de 3 400 prises.

Une protection coûteuse

Président de la fédération des éleveurs de moutons de cette région, Jochen Rehse se sent abandonné par les pouvoirs publics. « On nous dit de construire des clôtures et encore des clôtures, mais nous n’obtenons pas l’argent pour », proteste l’éleveur, « certains collègues ont 10 à 15 chiens pour protéger les troupeaux et une personne est occupée à plein temps. On ne reçoit pas de financement pour les charges courantes, juste un équipement de départ ». Jochen Rehse chiffre les coûts à 50 euros par brebis. L’existence de clôture d’au moins 90 cm, et de 120 cm après une première attaque, est la condition sine qua non d’une indemnisation après une attaque.

Comme les manifestants de Aurich, l’éleveur demande plus de flexibilité dans la régulation de la population de loups. Les prélèvements administratifs sont déjà possibles aujourd’hui, après deux attaques consécutives, mais sont du ressort des autorités régionales. Le ministre écologiste de l’Agriculture en Basse-Saxe rejette le principe de battues aux loups.

C’est aussi l’avis d’Ilka Reinhardt, codirectrice de l’institut Lupus, qui contribue à la surveillance de la population de ces canidés protégés. « La chasse n’est pas la solution pour réduire les prises sur les troupeaux. Il faut améliorer les mesures de protection », estime l’experte, pour qui la société allemande a « désappris à vivre avec les loups et les autres grands carnivores ». Pour elle, on « ne peut pas régler le problème seulement avec de l’argent. Il faut un accompagnement technique permanent. Il faut que les clôtures électriques marchent tous les jours. Les loups sont très intelligents et testent les protections pour déceler les failles » prévient-elle.

La population adulte surveillée

Le gouvernement fédéral, où les Verts détiennent les portefeuilles de l’Environnement et de l’Agriculture, privilégie une application des règles déjà existantes. Si l’espèce, revenue au début des années 1990, a étendu son territoire, sa population est encore restreinte. Le dernier comptage officiel fait état de 1 175 individus, dont 423 adultes. Plus de 140 loups ont péri sur 2021-2022, principalement à cause d'accidents de la circulation mais aussi d’abattages illégaux. Au-dessus de 1 000 loups adultes, l’Allemagne pourrait demander à la Commission européenne d’alléger le statut de protection. Afin de canaliser le débat, le gouvernement fédéral a lancé, au début de juin, des assises du loup.

Luc André