«Nous avons tous une mémoire de fœtus. Nous sommes ainsi imprégnés, par des faits et des paroles entendues lors de notre vie intra-utérine. Cela relève généralement de l’inconscient, mais peut influencer notre caractère, nos choix de vie. C’est encore plus vrai dans le milieu agricole, où le métier et la vie de famille sont imbriqués.
Autrefois, plusieurs générations cohabitaient sous le même toit, source de solidarité, mais d’un poids au quotidien. Lorsque survenait un drame, une mort brutale, une fille-mère, un enfant adultérin, le secret était souvent bien gardé, pour préserver cette cellule familiale. Et échapper au “qu’en-dira-t-on”, générateur d’opprobre dans les campagnes. Mais le non-dit est toujours là, il ne s’efface pas avec le temps. Il affecte souvent la vie des descendants, enfants, petits-enfants. Une situation peut se reproduire, une même maladie peut survenir dans plusieurs degrés de la parenté. Plus nous sommes conscients de l’impactdu transgénérationnel, mieux nous nous connaissons, plus il est facile de sortir de ce cycle. Nous sommes moins libres que nous le croyons, mais en comprenant certains liens complexes, nous avons la possibilité de nous soustraire au destin répétitif de notre histoire.
Dévoiler un secret est souvent libérateur et cela permet de nettoyer les lignées qui suivent. Mais attention, le risque d’engendrer des névroses chez celui qui “reçoit” existe également. À trente ans, il sera souvent dans la colère, à quarante ans, dans la frustration, à cinquante ans, il sera effondré. Il faut être prudent, savoir évaluer le potentiel émotionnel de celui qui “apprend”, sa capacité à traverser cette épreuve.
Si le choc est brutal, la découverte d’un demi-frère ou sœur lors de l’ouverture d’un testament, par exemple, il vaut mieux se faire aider par un thérapeute. Des notaires m’adressent parfois des personnes affectées par une révélation. Cela prend, parfois, plusieurs semaines à plusieurs années pour accepter, voire pardonner.
Propos recueillis par Dominique Péronne
À lire : Aïe, mes aïeux !, d’Anne Ancelin-Schützenberger, aux éditions DDB.
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