Fils et petit-fils de prêtre, Robert d’Abrissel, un moine breton charismatique, obtient une charge papale en 1096. Sa carrière est lancée au grand dam de la société féodale et de l’évêché, qui regardent d’un mauvais œil l’ascension du prédicateur errant. Il va semer son verbe divin ici et récolter là autant l’admiration que l’irritation. Il faut dire que le « bavard de Dieu », selon le pape Urbain II, professe de manière peu banale. Il n’hésite pas, par exemple, à entrer sans se cacher dans les bordels pour y faire des conversions. Succès ! Il va rassembler des gens de toutes conditions et s’installer à 15 minutes de Saumur, dans le Maine-et-Loire, après des années d’itinérance. Il fonde en 1101 un ordre mixte dirigé par une abbesse à Fontevraud. Nobles et gueux, moines et moniales vont cohabiter pendant sept siècles sous la direction successive de 36 abbesses. L’ordre fontevriste essaimera dans toute l’Europe.

Le « bavard de Dieu »

Mais c’est à Napoléon qui la transforme en prison (jusqu’en 1963) que l’abbaye doit sa survie. Depuis, elle enchaîne les chantiers de restauration. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 2000, cette cité de treize hectares s’organise autour d’un cloître, au centre du monastère. Il dessert l’abbatiale qui abrite les gisants d’Aliénor d’Aquitaine, d’Henri II et de Richard Cœur de Lion. Le prieuré Saint-Lazare est bordé d’un parc paysager et d’un verger.

 

La chapelle, la salle capitulaire et le réfectoire sont également articulés autour d’un cloître. C’est dans ce cadre millénaire qu’un musée d’art moderne s’est ouvert en mai, aux côtés d’un hôtel au luxe dépouillé, paré d’un chef étoilé, Thibaut Ruggeri, et d’un « ibar », où l’on commande à partir d’écrans tactiles. On peut aussi se contenter d’une salade en terrasse, ou d’un verre dans le bar à vin, qui met à l’honneur les producteurs locaux. Cité « idéale », Fontevraud est devenue « durable » avec son pôle énergétique, ses ruches, son potager, ses moutons d’Ouessant, ses 235 espèces florales, ses 77 espèces d’oiseaux (elle a même obtenu le label de la Ligue de protection des oiseaux). Avec son riche programme culturel, ses concerts, son nouveau son et lumière, c’est peu dire que l’abbaye vibre jour et nuit.

Martine Guilcher