«Les gens vont nous prendre pour des fous ! » À la sortie du film Au nom de la terre, en septembre dernier, l’éleveur Frédéric Masson, ému, se souvient s’être demandé ce que le grand public allait penser de la profession : « Quand même. Qui accepterait de vendre le fruit de son travail à perte ? »

Quatrième film français au box-office en 2019, le long-métrage d’Édouard Bergeon a attiré près de deux millions de spectateurs. Boudé par Paris, mais très bien accueilli dans les campagnes et des villes comme Bordeaux ou Lyon, il témoigne de l’intérêt du grand public pour le milieu agricole, jusqu’ici limité aux documentaires. Une poignée de réalisateurs, distingués au premier plan, sont parvenus en quelques années à changer la donne. Le film militant d’Édouard Bergeon a même débouché sur une mission parlementaire pour mieux prévenir le suicide. Quand une fiction parvient à peser en politique, c’est bien qu’elle rassemble une majorité de citoyens.

« Faites-vous entendre »

Fallait-il que ce soit un enfant d’agriculteur qui s’en charge ? D’autres films montrent que connaître le milieu de l’intérieur peut aider. C’est le cas de Petit paysan sorti en 2017, d’Hubert Charuel, fils d’éleveurs de la Haute-Marne. « Seuls, vous ne l’êtes pas : votre histoire, vos vies intéressent, le succès­ du film en est la preuve. Alors faites-vous entendre », lançait-il le 2 mars 2018 à l’adresse des agriculteurs lors de la cérémonie des Césars, alors qu’il recevait­ trois statuettes dont une pour la Meilleure première œuvre.

D’autres réalisateurs non issus du monde agricole, ont aussi su relever le défi. La réalisatrice Jessica Palud avec Revenir aborde les délicats sujets de la transmission et des non-dits. Avec la bretonne Mélanie Auffret et son film Roxane, on s’amuse beaucoup sur un sujet pourtant dur. C’est son tour de force. Elle montre une voie, car « fort heureusement,  il faut comprendre que le métier présente aussi de très bons côtés, reprend l’éleveur Frédéric Masson : l’amour des bêtes et de la terre. J’espère que les gens se disent cela également ». Et qu’un jour, le cinéma, aussi, s’en emparera.

Rosanne Aries