L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada dit Ceta continue de secouer filières agricoles et politiques. Les députés ont ainsi voté le 30 mai 2024 une résolution pour que le gouvernement soumette le texte au vote de l’Assemblée nationale. Après son rejet par le Sénat le 21 mars dernier, les opposants espèrent ainsi donner un « non » définitif à la ratification par le vote des députés. Initiée par le groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine) et son président, André Chassaigne, cette résolution a été largement adoptée par 151 voix contre 4. Sans conséquence sur la ratification, cette résolution permet toutefois de mesurer la forte opposition des parlementaires français.

Des opposants sur le qui-vive
Détractrice de longue date au Ceta, la Confédération paysanne était non loin de l’Assemblée pendant le vote pour redire tout le mal qu’elle pense d'une possible ratification. Sa porte-parole, Laurence Marandola, a notamment qualifié l’accord de « scandaleux », mettant en péril « la santé économique des paysans ». Elle appuie notamment sur le déficit de compétitivité entre l’Union européenne et le Canada. « La course à la compétitivité est une bataille perdue d’avance. C’est ce qui fait que l’agriculteur s’assoit sur la rémunération », juge-t-elle. Sylvie Colas, secrétaire nationale du syndicat, abonde elle aussi dans ce sens. « Ce genre d’accord détruit les protections, détruit les normes. Ça ne profite pas aux paysans d’ici, ni à ceux qui sont outre-Atlantique », tranche-t-elle.
Le Sénat rejette l’accord du Ceta (21/03/2024)
À la veille du vote de la résolution, l’interprofession de la viande Interbev avait elle aussi souligné les failles et les dangers de cet accord. « Les rapports d’audit de la DG Santé de 2019 et 2022 ont clairement démontré des défaillances dans les contrôles de traçabilité visant à certifier l’absence de viande issue d’animaux traités avec des hormones sur le marché européen », a-t-elle averti. « En l’absence de clauses miroirs qui garantissent la réciprocité des normes sanitaires, environnementales et de bien-être animal pour les produits canadiens importés, cet accord commercial ne peut être que défavorable aux filières bovines de l’Union européenne », dénonce Interbev.
Le gouvernement sur la défensive
Laurence Marandola a aussi insisté sur la nécessité de voir la navette législative suivre son cours. « Un gouvernement ne peut pas refuser ce passage démocratique obligatoire », brandit-elle. Un argument que Franck Riester, ministre délégué au Commerce, a balayé durant les débats. « À aucun moment, nous avons cherché à fuir le débat sur le Ceta. […] Ce débat a donné lieu à un vote dans chacune des deux assemblées », justifie-t-il. Fustigeant en outre « une alliance de circonstance et contre-nature » de plusieurs groupes politiques, « faisant passer des supposés intérêts électoraux devant l’intérêt général » , a-t-il attaqué.
Dans une interview à Radio J le 15 mai dernier, le ministre délégué avait notamment laissé entendre que le gouvernement n’envisageait pas de soumettre la ratification du Ceta au vote avant la fin de 2024, voire au début de 2025. En marge des débats, le député de la Seine-Maritime et porte-parole du GDR, Sébastien Jumel, a lui remis la discussion dans le contexte de débat sur la loi d’orientation agricole récemment votée à l’Assemblée. « Tous les discours sur la souveraineté alimentaire n’ont pas de sens si nous signons des accords comme celui-là », a-t-il déclaré auprès de La France Agricole.