« Après des mois de négociations, la Commission européenne va officialiser des concessions supplémentaires aux pays du Mercosur, avec notamment une augmentation à 99 000 tonnes du contingent accordé de viande bovine, prix à payer pour, semble-t-il, pour clore un accord au profit des secteurs industriels européens », annonce Michel Dantin, eurodéputé, ce 31 janvier.
« Jusqu’où ira le reniement du président de la République ? » s’interroge la FNB (Fédération nationale bovine) dans un communiqué qui pointe la contradiction entre les annonces présidentielles aux agriculteurs et l’avancée des négociations avec le Mercosur.
« Les lignes rouges sont largement franchies »
« Je ne sais ce que donneront les négociations sur le Mercosur mais mon souhait est que les lignes rouges françaises soient respectées », déclarait Emmanuel Macron lors de ses vœux à l’agriculture, le 25 janvier dernier. « L’ouverture au monde n’est pas un danger, à condition que ces accords commerciaux soient cohérents avec les règles que nous nous donnons pour nous-mêmes et ne créent pas des désavantages sociaux, environnementaux qui seraient irrattrapables », ajoutait-il.
À l’issue du discours présidentiel, Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, détaillait la première de ces lignes rouges à Bruno Dufayet, président de la FNB : « En aucun cas, une offre supérieure à celle alors sur la table des négociations (soit 70 000 tonnes) ne saurait être acceptée par la France », indique la Fédération bovine.
« Quatre jours plus tard, cette ligne rouge est donc franchie ! », s’insurge la FNB. « Conclure cet accord au lendemain des États-généraux de l’alimentation ne relève pas seulement de l’incohérence totale des politiques publiques, mais de l’irresponsabilité, estime Bruno Dufayet. Quels que soient les intérêts commerciaux en jeu, une telle concession est inadmissible et doit être très largement dénoncée. »
Dans un communiqué du 31 janvier, le syndicat européen Copa-Cogeca s’est également positionné contre la surenchère de l’offre en viande bovine.
La Chine comme lot de consolation ?
« Le président de la République nous offre comme lot de consolation l’accord avec la Chine, la Turquie ou le Japon : ça n’est pas acceptable, ça n’est pas suffisant, estime la FNSEA, dans un communiqué du 31 janvier. Ouvrir des marchés aux industriels oui, encore faut-il que ceux-ci saisissent ces opportunités, ce qui est loin d’être le cas. »
Pour la Confédération paysanne, « les possibilités d’exportation vers la Turquie, la Chine ou le Japon invoquées par l’État sont sans issue et cette stratégie perpétue la fuite en avant prônée par le syndicalisme majoritaire qui place les producteurs dans l’impasse depuis 50 ans ». Pour le syndicat, la négociation avec le Mercosur « provoquera la disparition de nombreux producteurs de viande ».
De son côté, la Coordination rurale a écrit aux députés pour leur demander de s’opposer à la ratification du Ceta et d’interpeller le gouvernement pour exclure les produits agricoles du Mercosur, tout particulièrement la viande bovine et la volaille.
La réponse du ministre de l’Agriculture
Le ministre de l’Agriculture français, Stéphane Travert, a déclaré mercredi devant l’Assemblée nationale que dans les négociations commerciales UE/Mercosur, « à ce stade, le compte n’y est pas ».
« La France souhaite avancer avec le Mercosur, mais dans le contexte politique actuel, il est essentiel d’aboutir à un résultat équilibré et à ce stade, le compte n’y est pas », a déclaré le ministre.
« Pour ce qui concerne le bœuf, le volume de contingent doit s’écarter le moins possible du volume jusqu’ici présenté dans l’offre européenne », a prévenu M. Travert. « Il s’agit d’une ligne rouge que le président de la République a rappelé à Jean-Claude Juncker », a affirmé le ministre, précisant que ce volume doit être « déclaré finement et encadré afin d’établir l’équité des conditions de concurrence avec les producteurs du Mercosur ».
« Nous sommes très vigilants sur les conditions dans lesquelles l’accord du Mercosur se conduira dans les prochaines semaines », a assuré le ministre.
(1) Le Mercosur est composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay, du Venezuela.