Isolée dans la chaîne montagneuse du Rif, à 600 m d’altitude, Chefchaouen, surnommé Chaouen, se livre au détour d’un ultime lacet, où les lauriers roses explosent sous les cyprès. La ville se trouve au pied d’un massif calcaire, avec des crêtes en forme de cornes, dont elle tire son nom. Avec l’éclat d’un tapis de myosotis, elle est digne d’un tableau cubiste. Les instagrameurs ne s’y sont pas trompés. Exit le temps où la ville était fermée aux Européens.
Une ville en « vase clos »
Fondée en 1471, la petite cité a été conçue comme une place fortepour défendre l’intérieur du pays, des assauts portugais et espagnols. Elle doit son surnom de « Petite Grenade » aux musulmans et juifs d’Espagne fuyant les persécutions au XVe siècle. La bourgade vécut longtemps en vase clos. Seuls l’explorateur Charles de Foucault et le journaliste Walter Harris y séjourneront clandestinement au XIXe siècle. En 1920, les Espagnols s’y établiront mais il leur faudra six ans pour dompter la rébellion rifaine de Mohammed ben Abd el-Krim.
Chaouen n’est plus impénétrable pour le plus grand bonheur des touristes qui immortalisent son cœur andalou : murs bleu laiteux, voûtes fraîches, tuiles ocre, passages secrets, balcons fleuris, portes cloutées… Les fontaines se tapissent de zelliges, les terrasses de cafés débordent sur ses places pavées. La destination phare des hippies dans les années soixante déroule un ruban de ciel dans ses rues pentues.
Le luxe, c’est d’abord nature et culture
Un bleu tendre que la pluie repeint en azur, cobalt ou pervenche. On doit aujourd’hui ce camaïeu à la liberté avec laquelle chaque habitant pigmente la chaux de sa maison. On le devait hier à sa population juive qui, dans les années trente, décida de masquer le vert traditionnel de l’islam.
La beauté du site rafraîchi par l’oued Laou attire des visiteurs en quête d’un tourisme rural. Ici le luxe, c’est d’abord nature et culture. Du festival d’échecs, en passant par le festival international des films d’environnement jusqu’au festival de musique Alégria, il y en a pour tous les goûts. On aime ce foisonnement qui livre en vrac poésie, théâtre, musique soufie.
On aime aussi cette singularité qui fait de l’ex-protectorat espagnol une enclave où l’espagnol cohabite avec le darija (arabe populaire). Vous devrez donc acclimater votre estomac au régime des tapas et vos mollets à la raideur des nombreux sentiers de randonnées qui zigzaguent à travers la montagne.