À quelques kilomètres de la mer Ligure, la montagne gronde depuis plus de deux mille ans. Des hommes entêtés y travaillent une pierre très dure, d’un blanc éclatant. Le marbre extrait au nord de la petite ville de Carrare est l’un des plus purs et des plus recherchés au monde.

Les Romains ont débuté l’extraction du « marmo di Luni » (marbre de Lune), blanc comme l’astre lunaire et qui présente peu de veines, à partir de l’époque de Jules César (Ier siècle av. J-C ). Avec, ils ont édifié de nombreux bâtiments publics de Rome, de belles demeures et des statues monumentales. Pour l’extraire, les carriers utilisaient de simples pics, des masses, des coins de fer et des cordes en chanvre. Puis, des bœufs attelés tiraient et détachaient les énormes blocs. On les taillait en plaques, qui étaient ensuite transportées par bateau jusqu’à la capitale de l’Empire. Harassant et dangereux, ce travail était assuré par des esclaves, des condamnés et des chrétiens.

Au XVe siècle, la Renaissance remet au goût du jour l’art statuaire et les artistes s’emparent à nouveau du marbre de Carrare. Michel-Ange fait ainsi le voyage, pour choisir lui-même les blocs qu’il va transformer en émouvants personnages, comme son très beau David. Des milliers d’œuvres conservées dans les musées de Florence et de Rome, des stèles et des monuments funéraires ont été façonnés dans ce noble matériau.

Aujourd’hui, quelques artistes sculptent encore le marbre de Carrare. Découpé en plaques, il sert principalement à la construction et la décoration. Réduit en poudre, il est très utile aux industries cosmétiques et pharmaceutiques, ou encore comme abrasif.

Au-dessus du village de Bedizzano, la montagne exhibe ses béances blanchâtres. Les carrières à ciel ouvert ont grignoté ses flancs, et les galeries souterraines créé d’obscurs labyrinthes. L’incessant balai de pelleteuses et de camions produit un nuage de poussière géant. Les bruits des engins et les explosions résonnent dans les vallées de Colonnata, Fantiscritti et Ravaccione. Ce spectacle fascinant et la réputation internationale du marbre blanc attirent les visiteurs. Passant dans des tunnels sans lumière, une route étroite et sinueuse conduit jusqu’au pied des exploitations. La végétation est recouverte de poussière. Même en plein été, on se croit au milieu de la neige.

Cent-cinquante mines fonctionnent toujours dans le massif des Apennins. Elles employent plus de trois mille personnes qui, en un demi-siècle, ont extrait davantage de marbre qu’en deux millénaires. Alexie Valois