Quel est votre rôle à Bruxelles ?
« L’Union européenne a une culture de compromis. Un texte est discuté quatre à cinq ans avant d’être adopté au niveau européen, et cela prend également du temps pour l’appliquer dans chacun des 27 États membres. Il faut donc compter quatre à huit ans entre le début de la réflexion à l’échelle de l’Union européenne et l’application en France. »
« En tant que représentants de la LCA à Bruxelles, nous participons aux débats le plus en amont possible des textes pour défendre l’agriculture française et le modèle coopératif, en fournissant aux interlocuteurs institutionnels nos prises de position, des données et des chiffres. Mon rôle consiste aussi à transmettre les informations sur les travaux européens en cours aux adhérents de LCA. Ils les intègrent dans leur réflexion d’entreprise et peuvent m’alerter sur leurs conséquences, afin d’établir ensemble un plan d’actions avec de nouvelles propositions. »
« Les prochaines élections européennes, le 9 juin 2024, seront l’occasion de défendre la position française. Aujourd’hui, sur les 705 eurodéputés, 79 sont français, dont la moitié appartient à des partis qui sont trop peu représentés dans l’hémicycle pour avoir un poids dans les décisions. »
Vous défendez l’agriculture française à Bruxelles, mais en quoi soutenez-vous plus précisément La Coopération Agricole ?
« Je défends le modèle particulier de la coopérative agricole : il est notamment démocratique (un homme = une voix), il appartient aux agriculteurs, il est non délocalisable et il répond à des spécificités juridiques, fiscales et réglementaires. Je fais découvrir le fonctionnement de notre modèle français auprès des institutions et des autres pays membres. »
« Même si le modèle coopératif est propre à chaque pays, la voix des coopératives des 27 États membres est portée au sein de la Cogeca. Dans la Pac, il y a notamment des spécificités qui permettent à des organisations de producteurs d’être éligibles à des fonds européens pour innover ou moderniser des installations. Les coopératives peuvent être reconnues OP et y prétendre. »
Quels sont les grands défis agricoles pour l’Union européenne ?
« Ils sont nombreux. Il s’agit notamment d’assurer et de concilier la souveraineté alimentaire et énergétique, et de garantir des règles de marché équitables et proportionnées. Pour ce faire, nous demandons des moyens ainsi qu’une visibilité et une stabilité réglementaire, notamment sur l’utilisation durable des produits phytosanitaires, le recours aux Nouvelles techniques génomiques (NTG) ou à la sélection variétale, par exemple. »
« Concernant le règlement relatif à l’utilisation durable des phytos (SUR), consistant en une réduction de 50 % de leur usage d’ici à 2030, nous militons pour avoir une trajectoire européenne réaliste, en phase avec celle de la France. Aller trop loin pourrait créer des distorsions de concurrence par rapport aux autres États membres. Aller trop vite pourrait laisser de côté certains agriculteurs. »
Quel sera l’impact pour les agriculteurs de l’entrée de l’Ukraine dans UE, et comment l’amortir ?
« L’Ukraine est une puissance agricole mais elle doit encore répondre aux standards européens, sur le bien-être animal par exemple, avant d’intégrer l’Union européenne, afin de ne pas déséquilibrer les marchés et affecter la compétitivité des exploitations françaises. Une compétitivité qui est déjà mise à mal aujourd’hui à la suite de la suspension des droits de douane sur les importations dans l’Union européenne de certains produits agricoles ukrainiens. Nous demandons donc à revenir aux seuils d’importation d’avant conflit. Il est important de travailler sur un « matelas » qui amortirait l’impact économique pour les autres agricultures européennes. »