Le lancement de la campagne céréalière de 2023-2024 en Algérie, qui s’effectue en octobre, intervient cette année dans un climat marqué par les stigmates de la sécheresse inédite de la saison précédente. Une grande partie des semis n’a pas été récoltée faute de rendements. Bien que le gouvernement ait pris, dès septembre, des mesures spéciales pour assurer le démarrage de la nouvelle campagne et venir en aide aux producteurs, la grogne au sein de la filière ne s’estompe pas. Plusieurs producteurs contestent la démarche entreprise par le ministère de l’Agriculture pour les accompagner.
Dans la région de Tiaret, premier bassin céréalier du pays, le secrétaire du département de wilaya de l’UNPA (Union nationale des paysans algériens), syndicat d’agriculteurs, a laissé exploser sa colère. Lors de la commémoration de la Journée nationale de la vulgarisation agricole, il a interpellé les responsables territoriaux présents sur la non-prise en charge des doléances des acteurs de la filière. « Nous sommes en octobre et nous ne trouvons pas encore ni les semences, ni les engrais », a-t-il déclaré, avant de s’adresser aux responsables du secteur, dont le directeur des services agricoles du département et le président de la chambre d’agriculture. « Ne venez pas juste pour les événements festifs, il faut aller sur le terrain pour voir dans quelles conditions travaillent les producteurs. »
1,2 million d’hectares sinistrés
Une semaine auparavant, des dizaines de céréaliculteurs et multiplicateurs de semences de l’est du pays, dont les cultures n’ont pas été entièrement endommagées par la sécheresse, ont tenu un « sit-in » à Annaba devant les bureaux de la CCLS (Coopératives des céréales et des légumes secs) pour réclamer le paiement des récoltes de la saison dernière qu’ils y ont livrées. C’est en effet cet organisme public qui achète aux agriculteurs toutes les récoltes de blé tendre et dur, orge et avoine à des prix uniques fixés par le gouvernement. « Nous attendons depuis deux mois notre règlement pour entamer la nouvelle saison et rien n’est fait », proteste Ahmed Amine, multiplicateur de semences. Comme l’ensemble des contestataires, il a également exposé son ferme rejet de la solution proposée par les autorités consistant à les approvisionner en semences et engrais pour démarrer la nouvelle saison, en contrepartie de leur dû.
De son côté, le gouvernement, ayant déclaré une récolte globale de 3 millions tonnes (toutes céréales confondues) la saison dernière, a pris des mesures pour l’ensemble des producteurs, dont des réductions de 50 % sur les prix des semences et engrais et des aides de 30 % pour l’achat d’équipements. Concernant les pertes dues à la sécheresse, 1,2 million d’hectares de céréales (sur 3 millions ha au total) et 90 000 producteurs ont été déclarés sinistrés. Pour ces derniers, il a décidé entre autres, de geler pour trois ans le remboursement de leurs dettes, avec la prise en charge des intérêts par l’État, et l’octroi gratuit de semences et engrais. Mais leur livraison se fait toujours attendre.