Les Länder allemands avaient jusqu'au 1er décembre 2029 pour publier les nouvelles cartes des « zones rouges » mises en place pour la protection de l'eau dans des régions polluées par les nitrates. Sur ces surfaces, les agriculteurs doivent réduire les apports d'engrais minéraux et organiques afin de protéger les nappes phréatiques.
Épandages limités
Les épandages sont interdits d'octobre à la fin de janvier pour les pâturages et de novembre à la fin de janvier pour les cultures. Pour certaines régions comme la Saxe, le Brandebourg ou la Rhénanie du Nord-Westphalie, la surface des zones rouges a été multipliée par trois. Sur l'ensemble du pays, elle passe de 2 millions à 2,9 millions d'hectares.
Cette évolution découle du bras de fer décennal entre Bruxelles et Berlin sur la protection de l'eau. En 2017 et 2020, l'Allemagne, visée par une procédure d'infraction, a déjà modifié les règles d'épandage. Mais cela n’a pas suffi à la Commission européenne qui a lancé une seconde procédure en 2021 et brandit la menace d'une astreinte quotidienne de 800 000 euros.
Baisse de production
La nouvelle mouture a placé en zone rouge l'ensemble des 1 000 hectares de l'exploitation d'Heiko Terno à Kemlitz, à une grosse heure de route au sud de Berlin. « Nous n'avons plus le droit d'épandre que 80 % des besoins azotés des plantes. Si je transpose pour l'élevage, je ne couvrirai que 80 % des besoins alimentaires d'une vache. J'aurais des problèmes avec les défenseurs de la cause animale », soupire l'exploitant. Dans l'immédiat, il va étendre ses capacités de stockage de fumier. Mais, la facture ne s'arrêtera pas là.
« Nous cultivons des pommes de terre, reprend-il. Sans ajout suffisant d'engrais, on n'obtiendra pas la qualité adéquate. Nous sommes en même temps transformateurs. Nous épluchons pour des cuisines centrales de la région. Avec de petits tubercules, il ne restera rien après la machine à éplucher. » Heiko Terno a aussi la malchance de travailler dans une région touchée par une sécheresse sévère depuis plusieurs années qui réduit l'effet de dilution des nitrates. « Sur les quatre dernières années, on a atteint en moyenne 400 litres/m² de pluie. La normale se situe à 550 litres/m² ».
Des "points de mesure" critiqués
Henrik Brunkhorst, un peu à l'ouest de Hanovre, va lui aussi « perdre de l'argent ». 10 % de son exploitation alliant élevage et cultures, soit 50 hectares, sont en zone rouge. « Chez moi, le point de mesure se situe proche d'une zone devenue un lotissement. Je ne sais pas dans quelle mesure, il enregistre un taux de nitrates en lien avec l'agriculture », observe le patron des jeunes agriculteurs de la Basse-Saxe.
La critique de l'efficacité des points de mesure est répandue chez les exploitants allemands. Les gestionnaires des réseaux d'eau potable font pourtant des constats alarmants. Henrik Brunkhorst exprime un sentiment d'impuissance par rapport à des valeurs reflétant les pratiques « d'il y a 20-30 ans ».
« Le nitrate dans les nappes remonte à l'époque de la RDA (1) », fait valoir justement Heiko Terno. Son exploitation, à caractère social, a pris la suite d'une exploitation collectivisée. Son syndicat, la branche locale du syndicat majoritaire DBV, réclame un régime d'exception pour les fermes dans ce cas de figure dans l'ancienne partie communiste du pays.
(1) ex-Allemagne de l'Est.