« Toutes ces années de travail réduites à néant… » Luis Argilaga ne termine pas sa phrase. La gorge serrée, cet éleveur bovin de la province de Corrientes a vu les flammes dévorer son exploitation familiale de 2 300 hectares à Santo Tomé, près de la frontière avec le Brésil.

Il est 3 h 30 du matin quand les premiers départs de feux sont signalés dans une propriété mitoyenne, samedi 19 février. 2022.

 

Aidé par ses employés et ses voisins, l’éleveur tente tant bien que mal de contenir l’avancée des flammes. En vain. « Le dimanche à la mi-journée, le vent s’est levé et le feu est devenu incontrôlable, se souvient-il. J’ai juste eu le temps d’ouvrir l’enclos des bêtes pour qu’elles ne soient pas piégées par les flammes et de faire monter mes employés et mes enfants dans ma camionnette pour nous enfuir. »

Paysage apocalyptique

Quand il revient quelques heures plus tard, Luis Argilaga trouve un paysage apocalyptique : « Tout était noir, calciné. Il y avait des animaux morts ou sur le point de mourir partout. c’était insoutenable. » Ses installations ont brûlé, certains des chevaux qu’il élève ont péri et soixante-dix vaches manquent à l’appel, environ 15 % de son cheptel. S’il dit continuer à découvrir de nouveaux dégâts chaque jour, l’éleveur estime son préjudice à plus de 300 000 euros.

 

À l’échelle de la province de Corrientes, les incendies ont provoqué 500 millions d’euros de pertes pour le secteur agricole, selon un rapport de la Société rurale argentine, principalement en bétail, herbe à maté, riz et exploitation forestière.

L’urgence des aides

Les autorités de la province ont annoncé une enveloppe de 25 millions d’euros, sous forme de crédit d’impôt, pour venir en aide aux producteurs affectés. Le gouvernement a, quant à lui, déclaré la province en état d’urgence et de désastre agricole, et promis de verser 5 millions d’euros pour alimenter un fond destiné à financer des prêts à taux zéro.

 

Luis Argilaga espère désormais que ces aides seront débloquées rapidement. « Pour pouvoir tourner la page, j’en ai besoin maintenant, pas dans six mois, souligne-t-il. Dans six mois, il faut que je sois de nouveau en train de travailler comme avant. »

Inquiétudes pour le soja

Dans les provinces du centre et du nord du pays, la sécheresse inquiète les producteurs de soja. Le manque de pluie, conjugué aux fortes chaleurs du mois de janvier, a provoqué des dommages sévères sur au moins 1 200 000 hectares de culture de soja, selon le ministère de l’Agriculture.

 

De quoi raviver le « spectre du désastre productif de 2018 », quand la production argentine était passée sous la barre des 38 millions de tonnes, s’alarme la Bourse de commerce de Rosario.