Le négociateur du Brexit, Michel Barnier, est parvenu à ses fins : contraindre les Britanniques à accepter les grandes lignes d’une « sortie ordonnée » de l’UE, avant de passer aux dossiers qui intéressent le plus outre-Manche, c’est-à-dire la future relation commerciale avec l’Europe.
Pour autant, le ciel s’est-il éclairci sur cette négociation ? Loin de là. L’épineuse question de la frontière irlandaise est loin d’être réglée. Les deux parties ont convenu qu’en aucun cas une nouvelle frontière physique ne verrait le jour entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Bruxelles et Londres se sont fait la promesse de trouver une solution permettant de tenir cet engagement, les Britanniques allant jusqu’à mentionner qu’en cas de non-accord, ils feraient en sorte de maintenir un alignement parfait de leur réglementation aux standards européens pour éviter le retour aux contrôles et à une « frontière dure ».
Cette formulation laisse perplexe. Car, en même temps, les Britanniques confirment leur volonté de quitter le marché intérieur et l’Union douanière, soulignant que cette décision couvrira l’ensemble du territoire, y compris l’Irlande du Nord. Dès lors, il y a un os. Comment faire coexister l’absence de frontière et le divorce ? Le Royaume-Uni va-t-il accepter l’ensemble des réglementations adoptées par l’Union sans même avoir voix au chapitre dans la négociation ? On peut en douter. À l’inverse, l’UE va-t-elle accepter que l’Irlande du Nord devienne la porte d’entrée de l’ensemble du commerce mondial en Europe, voie de contournement des droits de douane et quotas communautaires ? Là encore, on peut sérieusement douter qu’elle laisse une telle maille béante, qui serait une aubaine pour les exportateurs mondiaux avides de mettre le pied sur l’un des plus attractifs bassins de consommation. On peut d’autant plus en douter en cas d’absence d’accord, de « hard Brexit », qui verrait le retour aux tarifs OMC entre le Royaume-Uni et l’Union. Les Britanniques n’ont pas caché leur volonté de s’ouvrir au commerce mondial en multipliant les accords commerciaux. Les 27 États membres accepteraient-ils, par exemple, de voir du sucre ou du bœuf brésilien passer librement, sans contrôles, la frontière entre la République et l’Irlande du Nord ? Dans un tel scénario, la politique commerciale de l’Union sera de facto délocalisée à Londres.