Le chronomètre du Brexit tourne sans que la négociation ait véritablement commencé. Néanmoins, les pièces du puzzle se mettent en place petit à petit, et quelques certitudes se dessinent.
La première, partagée de part et d’autre du Channel, est celle de l’agenda : en mars 2019, les Britanniques doivent avoir quitté la maison commune européenne. Il est impensable, pour eux comme pour les Européens, qu’ils participent aux élections du Parlement européen dont le mandat s’achève alors. Compte tenu des délais d’adoption de l’accord, il ne reste donc plus que 15 mois.
La seconde concerne les attentes : alors que les négociations commerciales sont habituellement « vendues » comme des négociations « win-win », pour reprendre le langage habituel des conférences de presse qui suivent tout accord, il est d’ores et déjà clair que la négociation du Brexit, elle, aboutira à un accord « perdant-perdant », y compris pour le secteur agricole : le marché britannique sera plus concurrentiel, car plus ouvert sur le monde. Il va donc s’agir, pour les négociateurs de part et d’autre, de limiter la casse. Préserver la City, côté britannique ; préserver la cohésion européenne et les liens commerciaux étroits, côté européen.
De ceci découle la troisième certitude. Tous les paramètres étant là pour que, politiquement, le service après-vente de l’accord soit des plus hasardeux d’un côté comme de l’autre, les risques de sortie de route sont immenses. C’est-à-dire que la possibilité d’une sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni sans accord n’est pas à écarter. Dans ces conditions, le négociateur en chef, Michel Barnier, a fait de la méthode de négociation et de la maîtrise du calendrier un élément crucial de son travail pour une sortie « ordonnée » du Royaume-Uni : s’occuper, d’abord, du statut des 3,2 millions de citoyens européens qui vivent outre-Manche, et des 1,2 million de Britanniques résidant sur le territoire de l’UE ; définir, ensuite, les critères de sortie de Londres des institutions et les modalités de financement des engagements tels que les retraites des fonctionnaires britanniques ; et, une fois que les dossiers précédents seront suffisamment avancés, engager, enfin, les négociations commerciales à proprement parler, y compris en matière agricole.
Déjà la Belgique, l’Irlande et les Pays-Bas, dont 6 à 8 points de PIB dépendent des exportations vers le Royaume-Uni, pressent le négociateur d’anticiper le dialogue sur le troisième volet. Mais l’ampleur de la complexité de la négociation est telle qu’un accord ne se fera qu’au prix de quelques sueurs froides, pour les exportateurs pour qui le pire de tout sera de voir Londres sortir sans accord commercial ni période de transition.
Dans une telle éventualité, ils seraient soumis au bon vouloir britannique en matière de tarifs douaniers, le Royaume-Uni ayant la possibilité de jouer sur les conditions d’importation, selon ses besoins, et des accords négociés ailleurs dans le monde. Il n’est pas dur d’imaginer que l’agriculture deviendrait vite l’otage d’une pareille situation… à éviter.