La transmission des exploitations et le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour le monde agricole. Le dernier recensement confirme les prochains départs massifs à la retraite : en 2020, près de six exploitants sur dix ont plus de 50 ans et un sur quatre plus de 60 ans.
Si la transmission est un enjeu national pour conserver une agriculture forte sur le territoire, c’est aussi, à l’échelle individuelle, une étape décisive. Que la ferme perdure est une fierté pour beaucoup qui y voient un aboutissement de leur carrière.
Toutes les fermes sont transmissibles
Encore faut-il croire que sa ferme a de l’avenir ! Juliette Bréchet, en charge de la transmission à l’Ardear (1) Pays de la Loire, se bat contre les « idées fausses » et le pessimisme ambiant : « Certains cédants s’imaginent que leur exploitation n’est pas transmissible, qu’elle est trop petite, trop grosse ou n’intéressera pas à cause d’une conjoncture difficile… C’est faux. Toutes sont transmissibles », martèle la conseillère.
Dans les cessions comme les reprises, il en faut pour tous les goûts. Alain Chazerault, éleveur de volailles bio dans le Maine-et-Loire, y a toujours cru : « Ma ferme m’a fait vivre, elle pouvait donc intéresser quelqu’un », résume-t-il, implacable (lire son témoignage p. 45). Mais tous n’ont pas cette confiance. En Bretagne, plus de la moitié des cédants à la tête de petites et moyennes exploitations baisseraient les bras : persuadés que leur structure n’est pas transmissible, ils ne l’inscrivent pas au Répertoire départ installation (RDI), constate Sixtine Prioux, coordinatrice Transmission pour le réseau Civam. « Il s’agit de la perception des enquêtés et non d’une vérité objective. Il faut faire évoluer les représentations pour les petites fermes. »
Multiplier les rencontres
Pour poser un regard positif et d’avenir sur son exploitation, Céline Champouillon, de l’association « La brèche » dans le Puy- de-Dôme et la Haute-Loire, croit dans la dynamique de groupe : « J’encourage les futurs cédants à rencontrer leurs pairs, des porteurs de projets et jeunes installés, pour recueillir les témoignages de ce qui a facilité ou, au contraire, a bloqué la transmission. »
L’expérience des uns peut faire évoluer et ouvrir des perspectives aux autres. Pour multiplier les rencontres, les initiatives ne manquent pas : visites de fermes, formations, portes ouvertes, cafés-transmissions, réunions... Certains y ont trouvé des repreneurs, d’autres des idées pour reconfigurer leur structure et la rendre plus attractive, témoigne Sixtine Prioux. « Faire une place à une autre activité, reconstruire un bâtiment, changer sa destination, installer un collectif… La restructuration est une des solutions pour transmettre (2). »
Elle n’est pas la seule. La cession peut aussi être facilitée en allégeant le coût de la reprise par un rachat progressif du capital, par le portage du foncier pour une acquisition différée ou par la location (lire le témoignage p. 47).
Une autre démarche des cédants peut aider à débloquer une reprise : la possibilité d’une période de tuilage, via les contrats de parrainage ou les stages de la CIAP (3), pendant laquelle le candidat est rémunéré par la Région ou Pôle emploi. C’est même une condition sine qua non pour des repreneurs insuffisamment formés au métier. Souvent non-issus du milieu agricole (4), ils représentent 60 % des porteurs de projets qui passent aujourd’hui la porte des Points accueil installation transmission (PAIT).
(1) Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural.
(2) « Des idées pour transmettre, et si on restructurait les fermes ? », étude Inpact, juin 2019.
(3) Coopérative d’installation en agriculture paysanne. La CIAP propose aussi des espaces-tests en maraîchage et le portage d’activité.
(4) Lire le dossier « Accueillir les repreneurs non issus du milieu agricole », dans La France agricoledu 24 septembre 2021.