Le dimanche 2 octobre 1887, après avoir assisté à la messe dans sa commune de Trappes (aujourd'hui Yvelines), Émile-Vincent Pluchet (1816-1887) se rend à Voisins-le-Bretonneux, à 4 km, pour rencontrer Alphonse et Camille Decauville, ses voisins et alliés, agriculteurs eux aussi. En l’absence de son fils Eugène, parti en ce moment à Roye (Somme) dans la ferme de 550 ha qu’exploite son frère Émile, il emprunte sa voiture et son domestique. À 600 mètres de la ferme, l’un des brancards du cabriolet vient à céder. Voyant le cheval s’emporter, le cultivateur de Trappes saute à terre et tombe sur le côté, sa tête heurtant un tas de cailloux au bord de la route. L’accident lui est fatal et malgré les secours médicaux, il meurt à Trappes le lendemain.
Ses funérailles, le mercredi 5 octobre rassemblent une foule immense de parents, d’amis, d’agriculteurs, d’ouvriers ruraux et d’enfants des écoles. Les cordons du drap mortuaire sont tenus par Henri Muret, membre délégué de la Société nationale d’agriculture, Henri Bertin, vice-président de la Société des agriculteurs de France, Ernest Gilbert, vice-président de la Société d’agriculture et des arts de Seine-et-Oise, et Henri Besnard, président du comice agricole départemental. Les six discours qui se succèdent rappellent l’insertion de cet agrarien de premier plan au sein des différentes instances agricoles.
De la notice biographique que lui consacre Richard de Jouvance dans le Bulletin de la Société d’agriculture et des arts de Seine-et-Oise, quelques extraits illustrent les étapes de la carrière d’un grand entrepreneur de culture. « Élève distingué du cours préparatoire ouvert au collège de Versailles, venant de passer deux années en Allemagne à l’École d’agriculture d’Hohenheim, alors dirigé par le célèbre agriculteur Schwertz, ayant pu dans plusieurs excursions en France, sur les points que son père lui avait désignés comme ceux où la culture et l’élève du bétail étaient le plus en progrès, étudier et comparer, Émile n’était pas tout à fait un novice. »
De fait, il commença de 1840 à 1841 ses croisements entre la brebis mérinos, type Rambouillet et le bélier dishley, du célèbre fermier Backwell du canton de Leicester. « Bientôt par sélection, s’arrêtant à 3/8 de sang dishley, il obtint des animaux de grande taille, bien conformés, précoces à l’engraissement, portant une toison abondante, moins délicats que le mérinos pur sur le régime de l’alimentation, plus rustiques que le dishley pur et donnant une aussi bonne viande que le mouton Southdown, avec une meilleure laine banche, douce, d’une finesse intermédiaire. […] Le lot de ses moutons disley-mérinos à l’Exposition universelle de 1855, au Palais de l’industrie, était si remarquable que l’Empereur s’y arrêta en disant : « Voici des moutons qui sortent de l’ordinaire. » Et, se tournant vers notre ami, respectueusement incliné, il ajouta : « Monsieur Pluchet, nous vous ferons sortir aussi de l’ordinaire. » Peu de temps après, l’habile éleveur est nommé chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur. Lorsqu’est créée en 1867 la Société des agriculteurs de France, Émile Pluchet en est l’un des premiers adhérents. Bientôt associé à ses travaux, aux délibérations de son conseil d’administration, il en reste vice-président douze ans durant. Indéniablement, il compte parmi les grands « agrariens » du XIXe siècle.